Le Québec a le système scolaire «le plus injuste» au Canada, déplore un organisme
Le Québec a le système scolaire «le plus injuste au pays», selon des chiffres de l’OCDE révélés lundi par un organisme. À travers le Canada, la performance des élèves y serait la plus dépendante de leur statut socio-économique.
«C’est au Québec que le milieu d’origine a le plus d’influence sur le parcours scolaire, martèle le coordonnateur du mouvement L’École ensemble, Stéphane Vigneault. On se contente de reproduire les inégalités sociales. On dit souvent que l’éducation est un ascenseur social. Ici, il est en panne depuis longtemps.»
Environ 11,2% de la différence de résultats scolaires entre enfants favorisés et défavorisés s’expliquerait par la condition «socio-économique» de leurs familles. La moyenne canadienne, elle, atteint 8,6%. Les performances du Québec se rapprochent de celles des États-Unis, où on atteint 11,4 %.
Les données du groupe sont tirées du plus récent examen du Programme international pour le suivi des acquis des élèves de l’OCDE, publié au début de l’année.
On y apprend également que près de 50% des élèves défavorisés étudient dans des écoles considérées elles aussi comme défavorisées. À l’inverse, ils ne seraient qu’à peine 5% à avoir accès à des écoles dites favorisées.
«On peut abolir les commissions scolaires, mettre des maternelles 4 ans mur-à-mur, augmenter les salaires, mais tout ça ne donnera rien si on ne se donne pas un système d’éducation équitable.» -Stéphane Vigneault, s’adressant directement au premier ministre François Legault.
Une erreur à réparer
Pour le sociologue et professeur émérite à l’Université de Montréal, Guy Rocher, la situation découle «d’une erreur commise» dans les années 60, à l’époque du rapport Parent. Celui-ci recommandait que les institutions privées deviennent «complémentaires» au réseau public pour accéder à des subventions.
«Le problème, c’est que le lobby du privé a rapidement élargi cette brèche pour devenir financées à 60%, 70%, voire plus, indique-t-il à Métro. L’idée de complémentarité est disparue à ce moment-là.»
Depuis, la croissance du système scolaire se fait «au dépend d’une bonne partie des jeunes moins favorisés», selon le spécialiste.
«On a un système très élitiste et sélectif. Moi, ça me scandalise. C’est effroyable qu’on en soit là», insiste-t-il.
«Un peu comme la CAQ a pris la laïcité à bras le corps, il faut prendre la question de justice sociale en éducation et la mettre en action.» -Guy Rocher
Même son de cloche pour le président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Sylvain Mallette. Il soutient que ces nouvelles données «confirment que le système actuel nuit à l’égalité des chances».
«Le maintien du financement public des écoles privées entraîne une compétition malsaine dans le réseau public, s’indigne-t-il. Ce n’est pas compliqué d’amener des solutions. Ça prend juste du courage politique pour mettre fin à ce financement inacceptable.»
Des insuccès frappants
Au Québec, l’écart de performance entre les élèves favorisés et défavorisés atteint 78 points de pourcentage, la donnée la plus élevée au pays. Le plus frappant, dit Stéphane Vigneault, est l’écart de performance des élèves défavorisés selon leur lieu d’études.
«Si on voulait concentrer les raisons de l’insuccès de notre système d’éducation en une image, ce serait probablement celle-là, renchérit-il. On est sur une autre planète au Québec.»
La cause de ces ratés est, selon lui, l’intensité de la ségrégation scolaire. «On a un système à trois niveaux qui sépare les enfants en fonction du revenu de leur famille et de leurs résultats, alors que la recherche nous montre que le tri des élèves ne aucun bon résultat», déplore-t-il.
Le groupe recommande à Québec de stopper le financement des écoles privées avec de l’argent public. Il veut aussi freiner la sélection des élèves dans le réseau public. Une fois l’équilibre atteint, l’organisme envisage un nouveau «réseau public unifié» au sein duquel chaque école aurait son «propre bassin scolaire». L’objectif: garantir «la plus grande mixité sociale».
L’attaché de presse au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Francis Bouchard, affirme que Québec «prendra connaissance de l’étude avant de commenter».