OK boomer
C’est le slogan de l’année. Peut-être même l’emblème d’une tumultueuse décennie agonisante. OK boomer. Deux mots simples, à la manière d’un texto ou d’une émoticône satirique, railleuse et frustrée à la fois. OK boomer: cause toujours, tu n’as rien compris, la ferme. C’est à l’image d’une époque.
On y devine la représentation d’une fracture générationnelle et d’une rupture irréconciliable entre les valeurs et les idéaux de ceux qu’on appelle millénariaux et ceux de leurs parents et grands-parents, les baby-boomers. C’est ça, mais pas tout à fait.
La fracture est aussi démographique, socio-économique et culturelle. L’accélération effrénée des bouleversements sociaux depuis 20 ans a sans doute exacerbé la faille entre ceux et celles qui accueillent positivement le changement et s’y adaptent facilement et rapidement, souvent jeunes, et ceux qui ne l’acceptent pas et y résistent plus ou moins farouchement, souvent moins jeunes.
Plus qu’un stéréotype
Le boomer de «OK boomer» n’est pas seulement le stéréotypé homme blanc sexagénaire hyper privilégié. C’est le cynique, le réactionnaire, l’anachronique, le rétrograde. C’est l’anxieux déprimé devant les évolutions technologiques, l’urgence climatique, la diversité sociale, l’immigration, les assistés sociaux, les maudits cyclistes, les gauchistes du Plateau, les féministes de l’UQAM, les toilettes non genrées, le coton ouaté de Catherine Dorion, l’androgynie de Hubert Lenoir, le sexe de Gabrielle Bouchard, le foulard de Dalila Awada et le turban de Jagmeet Singh.
Le boomer «capote» sur tout, c’est grave! Ce n’est donc pas qu’une question d’âge et de génération. Parce qu’il ne faut pas oublier que les baby-boomers, c’était les jeunes des années 1960 et 1970, ceux et celles de la Révolution tranquille, de la libéralisation des mœurs et de la sexualité, des hippies et des punks, des mouvements féministes et des droits civils, de Woodstock et de mai 68. Les baby-boomers ne sont pas tous boomers, et vice-versa.
Le boomer «capote» sur tout, c’est grave!
Je ne suis pas un boomer. Je ne suis pas un baby-boomer non plus. Je fais partie de la génération X, celle qui a été oubliée, celle qu’on n’écoute pas, celle qu’on n’a jamais écoutée.
Ça me donne la légitimité et le droit de vous parler, d’être l’arbitre de cette pseudo-guerre des générations.
Descendez donc de vos grands chevaux, ouvrez votre esprit, écoutez attentivement.
Les millénariaux, continuez à défier l’ordre établi, le statu quo et l’establishment. Nous avons besoin de votre fougue et de votre idéalisme. Mais soyez attentifs aux doléances de ceux qui ont peur, rassurez-les, tenez-leur la main, écoutez-les.
Les baby-boomers, continuez à nous ramener au pragmatisme du monde réel, à nous rappeler l’histoire et à nous prévenir des dangers qui nous guettent. Nous avons besoin de votre expérience et de votre sagesse. Mais soyez humbles et écoutez les doléances de ceux qui veulent tout changer, conseillez-les, tenez-leur la main, écoutez-les.
C’est dans l’équilibre que se fait le bonheur. Parce qu’au fond, on est tous le boomer de quelqu’un, ou on le sera un jour.