Que ferait Frida?
Face à la mort, que ferait Frida Kahlo? C’est la question que se pose Mylène Viger depuis qu’elle a reçu un diagnostic de cancer des os.
C’était en avril dernier. Avant ça, 14 ans de douleurs chroniques au dos.
Frida, l’iconique artiste mexicaine, avait elle aussi une santé fragile, et c’est en convalescence qu’elle a développé son talent.
Mylène s’en inspire: de son lit d’hôpital, elle découpe et juxtapose des images trouvées dans des magazines.
Dans un des collages encadrés dans sa chambre, on voit une tête dans laquelle le cerveau transparaît, ses zones identifiées.
De cette même tête jaillit de la fumée, des notes de musique, et des papillons virevoltent autour.
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Le temps file, alors Mylène parle.
Elle parle rapidement, parle de son défunt chat Ronron. Elle parle de l’organisme Les Impatients, qui offre des séances d’art thérapeutique et qui a contribué à la soulager lors d’une période éprouvante.
Elle mentionne aussi son envie d’avoir une manucure, rouge cerise ou coquelicot idéalement.
Dans les collages qu’elle confectionne, il y a des touches de rouge, des yeux «pour rester lucide», des animaux.
«Depuis que ma santé s’est dégradée, je ne peux plus faire autant de choses qu’avant; faire des collages me permet de continuer à avoir des accomplissements.»
Les douleurs chroniques l’ont obligée à interrompe des études en psychologie, alors pour continuer de se nourrir intellectuellement, elle se tourne vers le contenu en ligne: les podcasts, les TED talks et les vidéos sur YouTube.
Pendant qu’elle se raconte, Mylène ponctue la conversation de commentaires sur la mort. «Parce que, dit-elle, ça n’aide personne quand la mort est taboue.»
Pendant qu’elle se raconte, Mylène ponctue la conversation de commentaires sur la mort. «Parce que, dit-elle, ça n’aide personne quand la mort est taboue.»
«Et qu’est-ce qu’elle évoque pour toi, la mort, Mylène?»
«La transformation. Les cycles. Je vais partir et me transformer.»
Elle tente d’amasser assez d’argent pour être enterrée au cimetière écologique Les Sentiers, dans les Laurentides. Un cimetière qui minimise l’utilisation de matières toxiques. C’est son ultime geste pour la planète. Et pour son entourage, puisque le lieu est drapé de verdure, en plus d’être à proximité d’une rivière.
«Je veux que ma famille, ma blonde et mes ami.es trouvent ça agréable de venir me visiter.»
Elle ajoute tout de suite que c’est vraiment bizarre d’avoir à organiser ses propres enterrement et funérailles: «J’essaie de le voir comme une technicalité.»
C’est effectivement difficile à concevoir. Comme il est difficile de s’imaginer dans la trentaine, un âge où la vie décolle, et de devoir accepter tant bien que mal que la route tire déjà à sa fin. Mylène fait de nouveau mention de l’éphémère, du temporaire, des cycles.
Plus tard, elle me dit que je suis chanceuse, car elle est «dans une bonne journée». Alors, on visite ensemble les soins palliatifs, elle salue les employés qu’elle croise, me propose qu’on s’achète des sushis.
Lorsque je serai partie, Mylène retournera à ses collages.
Dans la créativité, il y a pour elle un refuge. Dans l’art, une façon de dire et de transformer ces choses vertigineuses que sont la maladie et la mort. C’est bien ce que ferait Frida.