À soir, on fait peur au monde : le retour
On est rendu à combien, côté films de Star Wars, savez-vous ? J’admets avoir perdu le fil. Un peu comme dans À soir, on fait peur au monde, dans le fond. Vous ne connaissez pas ? Attendez, que je retrouve le synopsis. Le voilà : (interminable) long métrage mettant en vedette une poignée d’acteurs pitoyables issus du milieu policito-médiatique, lesquels usent de sophismes, demi-vérités et autres stratégies afin de créer ou entretenir les craintes injustifiées d’une partie de la population québécoise à l’égard de concitoyens musulmans.
Forts de scénarios déplorables déjà éculés, ses concepteurs ont tour-à-tour porté à l’écran les opus suivants : Chérie, l’Islam a réduit les Québécois, La Maison hantée d’Hérouxville, Les vitres du YMCA (où il était pourtant question de juifs hassidiques, mais bon, un étrange, c’t’un étrange), Jeannette a peur à la piscine, Le grand malaise, Alexandre Cloutier est ami avec Charkaoui, Cachez ce AK-47 que je ne saurais voir, Fatwa à la cabane à sucre, Un burkini au Zoo de Granby, Faudra pas Charia, Y a des hidjabs partout, ça suffit !, Goutte de pétrole deviendra niqab, Petite promenade par le chemin de Roxanne, Test des valeurs : mange ton ragoût de pattes ou artourne che vous.
Si bien qu’après le martelage publicitaire, le public québécois, lequel n’avait jamais eu un problème quelconque avec la religion musulmane, se gratte maintenant la noix : sommes-nous réellement envahis comme on nous le dit à la tivi ? St-Roch-de-l’Achigan va-t-il tomber aux mains d’Al-Qaïda ? Des mosquées à Ferme-Neuve ? Ben Laden a-t-il été aperçu à Rivière-aux-Graines ? Au point où aujourd’hui, selon les études du professeur et sociologue Paul Eid, 32 % des Québécois refuseraient maintenant l’immigration musulmane. Du beau travail.
Merci à la pandémie, la production, malgré ses gargantuesques moyens, a dû mettre sur pause le tournage et la diffusion des moutures supplémentaires, faute de public captif. Ceci dit, l’approche d’élections fédérales prochaines rend évidemment alléchante la réalisation d’une suite. C’est ainsi qu’Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois notamment passé à l’Histoire pour avoir toléré que quatre de ses candidats aux propos islamophobes se soient présentés sous sa bannière aux dernières élections, n’a pu s’empêcher de divulgâcher un brin de l’intrigue.
Immédiatement à la suite de la nomination du nouveau ministre des Transports du gouvernement libéral, Omar Alghabra, le chef bloquiste s’interroge sur la proximité de ce dernier, de confession musulmane, avec ce qu’il qualifie de « mouvement islamique politique ». Juste ça. La raison ? M. Alghabra a été, en 2004‑2005, président de la Fédération canado-arabe. Tu parles d’une maudite affaire, non ? Surtout que l’organisme, qui a des positions propalestiniennes (tu parles d’une maudite affaire, bis), se veut néanmoins laïque (oups). Ceci n’allait évidemment pas empêcher Blanchet d’utiliser à mauvais escient la (fausse) information d’un site-bouffon d’extrême-droite américain suggérant que le néo-ministre aurait souhaité, à l’époque, l’imposition de la Charia au Canada. Rien de plus faux, de clamer Thomas Woodley, président de Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient qui, pour bien connaître M. Alghabra à cette époque, jure que ses positions n’ont rien à voir avec un quelconque islamisme politique. Hipelaye.
À mon tour de divulgâcher : avant de mettre sous presse, votre (pas très) humble serviteur a mis la main sur le titre du nouvel opus de la série. Il s’agirait d’un remake voltarien intitulé Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose.
Bienvenue.