Le transfert de Joyce Echaquan en réanimation a trop tardé, dit un infirmier
Alors qu’elle était instable, en plus d’être sous contention chimique et physique, Joyce Echaquan aurait dû être transférée en réanimation beaucoup plus tôt, selon un infirmier venu témoigner à la troisième semaine de l’enquête publique visant à élucider les circonstances du décès.
Le 28 septembre dernier, la candidate à l’exercice de la profession infirmière (CEPI) qui était en charge de Joyce Echaquan à l’hôpital de Joliette semblait «débordée», a raconté l’infirmier.
À au moins deux reprises, la CEPI aurait fait des demandes pour transférer sa patiente en réanimation dans le but qu’elle soit surveillée étroitement puisqu’elle était attachée et agitée.
Toutefois, toutes ses requêtes aurait été refusées par l’infirmière assistante du supérieur immédiat (ASI), a témoigné l’infirmier. Mardi, une infirmière a déclaré à la barre qu’il y avait pourtant de la place pour accueillir la patiente.
On sait que Mme Echaquan est finalement restée sans surveillance pendant au moins 40 minutes avant d’être transférée en catastrophe en salle de réanimation.
Contourner les règles pour «sauver une vie»
«Mécontent de la situation» et des refus de transfert auxquels se butait sa collègue, celui qui était infirmier de liaison aux urgences de l’établissement ce jour-là a décidé d’intervenir. «Je n’étais pas d’accord avec la décision. Ça m’a piqué, ça m’a choqué donc je me suis dirigé vers la personne qui pouvait prendre la décision au-dessus d’elle [l’ASI]», a-t-il dit à la barre.
L’infirmier décide donc d’aller directement alerter sa cheffe de services de l’époque, Josée Roch, dans le but de «sauver une vie», a-t-il témoigné. «Cette fois-là, pour moi, ça dépassait les bornes et je ne voulais pas que Mme Echaquan subisse les effets de ça. Il n’en était pas question», a-t-il ajouté.
Durant l’échange, l’employé demande à sa supérieure si elle est au courant de la situation concernant Joyce Echaquan.
Josée Roch lui répond alors en faisant référence à la vidéo tournée par la patiente quelques instants plus tôt. «Je m’en fous de ta vidéo, je te parle de la patiente. Elle n’est pas à sa place, il faut faire de quoi», lui répond l’infirmier dont le nom est frappé d’un interdit de publication.
Selon le récit de l’employé, sa gestionnaire, qui a depuis démissionné et qui témoignera mercredi après-midi, se demandait quoi faire. L’homme est alors reparti pour continuer ses tâches jusqu’à l’heure du dîner.
Par la suite, le témoin se souvient d’avoir entendu «un brouhaha» dans le corridor. «J’ai entendu une civière qui fonçait dans les murs à cause de comment [l’urgence] est faite, c’est difficile et il y a beaucoup d’agitation», a-t-il expliqué.
Il apprend ensuite que c’est Joyce Echaquan qui est passée «en catastrophe» pour finalement se rendre en salle de réanimation. Le décès de la mère de famille atikamekw a été déclaré moins d’une heure plus tard.
Victime d’une rupture de services?
Considérant le manque d’effectifs, la coroner qui préside l’enquête publique, Géhane Kamel, a suggéré au témoin que «Joyce Echaquan a fait notamment les frais d’une forme de rupture de services».
Celui-ci s’est montré en accord avec ce constat. «C’est certain qu’il manquait du personnel, c’est certain que la personne qui s’occupait de Mme Echaquan n’était pas la meilleure personne ou la plus expérimentée donc, oui, c’est une forme de rupture de services», a-t-il dit.
Par ailleurs, l’infirmier de 52 ans affirme que rien n’a changé à l’hôpital de Joliette depuis le décès de Joyce Echaquan. Il pense qu’une telle tragédie pourrait survenir à tout moment où il y a un manque de personnel. «Ça va réarriver un autre soir ou une autre nuit. Il s’agit d’une personne cinq minutes qui n’est pas là», a-t-il souligné.
Avant de quitter la barre des témoins, l’infirmier a transmis 25 recommandations à la coroner dans le but d’améliorer les soins aux patients dans le réseau de la santé.
Mercredi après-midi, l’ASI en poste le 28 septembre, ainsi que la cheffe infirmière de services de l’époque, Josée Roch, viendront témoigner devant la coroner. Les audiences de l’enquête publique se poursuivent jusqu’au 2 juin au palais de justice de Trois-Rivières.