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Scientifiques muselés: une enquête est ouverte

OTTAWA – La Commissaire fédérale à l’information a accepté d’ouvrir une enquête sur certaines politiques et méthodes qui semblent museler les scientifiques du gouvernement canadien.

Le bureau de Suzanne Legault répond ainsi à une plainte détaillée qu’ont déposée le Centre du droit de l’environnement de l’Université de Victoria et l’organisme Démocratie en surveillance.

Ils ont déposé un long rapport le mois dernier relevant plusieurs cas où, dans six différents ministères et agences gouvernementales, les points de vue scientifiques — financés par les fonds publics — avaient été supprimés, ou réduits à quelques lignes préparées à l’intention des médias.

En empêchant les scientifiques fédéraux de s’exprimer sur leur travail, la population n’a pas l’occasion de demander des documents puisque les Canadiens ne sont même pas au courant, en premier lieu, de ce qui est en cours dans la recherche, déplore-t-on dans la plainte.

Dans une lettre adressée aux plaignants, la commissaire Legault a indiqué que son mandat prévoit effectivement, en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, d’enquêter sur toute politique gouvernementale, pratique et ligne directrice qui entrave cet accès à l’information.

Mme Legault a ajouté que cela inclut les pratiques gouvernementales visant à restreindre ou empêcher la communication entre les scientifiques et les médias ou la population canadienne. Par ailleurs, la commissaire a indiqué qu’elle se pencherait également sur le secrétariat du Conseil du trésor, en raison de son rôle dans le développement et l’application des politiques gouvernementales.

«Il s’agit vraiment d’un enjeu central pour la santé de notre démocratie. Nous devons savoir où en est le meilleur de la science dans un contexte où nous prenons de difficiles décisions quant aux politiques publiques», a plaidé le directeur exécutif du Centre du droit de l’environnement de l’Université de Victoria, Chris Tollefson.

Le gouvernement de Stephen Harper a été accusé, depuis son arrivée au pouvoir en 2006, d’avoir muselé les scientifiques fédéraux sur plusieurs sujets — plus particulièrement dans les dossiers environnementaux.

Le ministre d’État chargé de la science et de la technologie, Gary Goodyear, n’était pas disponible, lundi. Son cabinet a fourni par courriel un communiqué dans lequel on affirme que les scientifiques gouvernementaux sont «facilement accessibles pour partager les détails de leur recherche avec les médias et la population».

«L’an dernier, Environnement Canada a accordé plus de 1300 entrevues aux médias, Agriculture Canada a diffusé près de 1000 publications scientifiques et Ressources naturelles Canada a publié près de 500 études», indique-t-on dans le courriel.

«Belle formulation mais ils n’atteignent pas le coeur de la question: ce n’est pas une question de quantité de documents, mais bien de pourcentage de ceux qui sont publiés», a rétorqué un porte-parole de Démocratie en surveillance, Duff Conacher.

Ainsi, le ministère fédéral de l’Environnement a empêché ses scientifiques de s’exprimer publiquement à propos de certaines questions — dont les changements climatiques, les ours polaires ou les caribous —, à moins qu’ils n’aient obtenu au préalable le feu vert du Bureau du conseil privé, le «ministère du premier ministre».

Quant au ministère des Ressources naturelles, on exige une approbation préalable pour toute entrevue concernant les changements climatiques et les sables bitumineux, de même que pour toute entrevue avec un reporter d’un média national ou international.

Du côté de Pêches et Océans Canada, une politique de communication a été mise en place pour s’assurer que des «citations approuvées pour les médias» soient déjà prêtes pour un scientifique sur le point d’accorder une entrevue à un journaliste.

«Peu importe la nature des politiques en place et les positions de chacun sur les changements climatiques, je crois que la plupart des gens seraient d’accord pour dire que nous devrions avoir accès aux études financées par les fonds publics, et que la recherche d’information devrait faire partie du débat», a soutenu le directeur juridique du Centre du droit de l’environnement de l’Université de Victoria, Calvin Sandborn.

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