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Dix fugues chaque jour au Québec

Photo: Laurie Gobeil/Journal Alma
Marie-Josée Parent - TC Média

Ils sont jeunes, débrouillards et à la recherche de liberté. Pas une journée ne passe sans qu’une dizaine d’adolescents quittent leur résidence familiale à l’insu de leurs parents, révèlent des données obtenues par TC Media.

En ce mois de novembre, mois de la prévention des fugues, Enfant-Retour Québec sonne l’alarme. «Il y a une désensibilisation du public, car [les fugues se produisent par] milliers, estime la directrice générale de l’organisme, Pina Arcamone. Lorsqu’un ado­­lescent fuit à plusieurs repri­ses, ça amène les gens à banaliser sa disparition. Pourtant, l’enfant est très vulnérable. Il s’expose à bien des dangers. Il n’a pas d’argent. Il a faim et souvent froid. Il devient une proie faci­le pour les prédateurs.»

À cette époque-ci de l’année, le téléphone sonne régulièrement chez Enfant-Retour Québec. Le mois de novembre est celui où les signalements sont le plus nombreux. «Les fugues sont souvent le résultat d’un manque de communication. La remise du premier bulletin en novembre est l’occasion pour les parents de découvrir les mauvaises notes de leur enfant», explique Mme Arcamone. Cette dernière ajoute que le printemps, avec le retour du beau temps et la fin des classes, est aussi une des périodes fortes de l’année.

Le plus récent rapport sur les enfants disparus au Canada indique qu’il y a eu 3 570 fugues dans la province en 2012. Il s’agit d’une moyenne de 10 dis­paritions par jour. Les statistiques montrent toutefois une baisse constante du nombre de signalements depuis cinq ans. En 2008, on en dénombrait 5 707, soit 60 % de plus qu’en 2012.

Les garçons échappent davantage à la surveillance parentale que les filles, puisqu’ils étaient 1 992 à quitter leur foyer sans avertissement l’an dernier, contre 1 578 filles. À ce chapitre, le Québec fait bande à part au Canada. Il s’agit de l’unique province où cette tendance est observée. Au pays, les filles représentent 58 % des signalements.

En 2012, les deux tiers des fugueurs sont rentrés à la maison dans les 24 premières heures après leur départ, généralement parce qu’ils manquaient de ressources. Selon le rapport sur les enfants disparus, 86 % des fugueurs sont rentrés chez eux au cours de la première semaine. Ces adolescents en étaient souvent à leur première fugue. Sous le coup de la colère, ils ont pris la poudre d’escampette. Le geste étant spontané, la fugue n’est jamais bien longue.

L’autre profil de fugueurs est beaucoup mieux organisé. Les jeunes n’en sont pas à leur première fuite, et leur disparition est planifiée et préparée.

Les recherches
Pour retrouver les fugueurs, l’aide du public et des poli­­ciers s’avère précieuse. Un enfant sur six est retrouvé grâce à la publication de sa photo dans les médias et les réseaux sociaux, indique Enfant-Retour Québec. Dans 65 % des cas traités par l’or­ga­nisme, ce sont toutefois les policiers qui ont localisé le jeune en fuite. Un tiers des fugueurs ont fini par aban­donner leur cavale et rentrer à la maison. Les recherches de la famille ont permis de
conclure le dossier dans 2 % des situations.

Disparitions non résolues: plus de 200 cas
fuguesLe dossier du Saguenéen David Fortin figure parmi les disparitions non résolues chez Enfant-Retour Québec. Au cours des 4 dernières années (de janvier 2010 à septembre 2013), plus de 200 cas comme le sien ont été traités par l’organisme, et 95 % des jeunes ont été retrouvés. «On nous informe d’une fugue lorsque l’enfant est disparu depuis une semaine ou plus, constate la directrice générale d’Enfant-Retour Québec, Pina Arcamone. À moins qu’on craigne pour sa vie, on n’est jamais mis au courant dès les premières heures.»

C’est pourtant à ce moment que les adolescents sont le plus vulnérables. «Les filles représentent 79 % de nos dossiers. À cet âge, elles manquent souvent d’estime de soi. Elles ont besoin d’être valorisées. Elles vont rencontrer des adultes qui vont leur donner confiance et leur promettre de les aider», explique la directrice générale.

Ces prédateurs peuvent alors les entraîner dans des activités telles que le vol, la prostitution ou la vente de drogue. Parmi les dossiers ouverts par l’organisme, on note que 13 % des fugueu­ses auraient été exposées à l’exploitation sexuelle. De ce nombre, 17 % en ont été réellement victimes.

«Il faut être préparé à ce coup de téléphone»
Enfant-Retour accompagne les parents d’enfants disparus. Dans la majorité des cas, les adolescents tenteront au moins une fois d’entrer en contact avec eux. «Il faut être préparé à ce coup de téléphone, souligne Pina Arcamo­ne, d’Enfant-Retour Québec. Il faut rétablir la communication. On doit chercher ensemble des solutions. On pose des questions simples : “Es-tu en sécurité?” ou “Quand penses-tu me rappeler?” Il n’y a pas de place pour la frustration.»

Cette ouverture est le moyen le plus efficace de favoriser d’éventuelles retrouvailles. Néanmoins, les risques de récidives sont grands. Près de 10 % des jeunes fugueurs ayant fait l’objet d’un avis de recherche chez Enfant-Retour récidivent.

Lire aussi: L’intimidation peut mener directement à la fugue

Ville d’origine
Lieu où se sont produites les fugues rapportées à Enfant-Retour Québec du 1er janvier 2010 au 18 octobre 2013

  • Montréal : 96
  • Québec : 26
  • Laval : 31
  • Longueuil : 5
  • Saint-Hyacinthe : 5
  • Sherbrooke : 4
  • Joliette : 4

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