Produire zéro déchet, tout un défi!
Une famille américaine arrive à produire moins d’un 1 kilogramme de déchets par an. Son expérience est relatée dans le livre Zéro déchet, qui arrive en librairie. Le journaliste de Métro s’est entretenu avec l’auteure, Béa Johnson, avant de tenter l’expérience pendant… une semaine!
Conclusion : réduire son empreinte écologique nécessite organisation, discipline et ouverture d’esprit. Bienvenue dans le monde du lait de riz maison, des bâtons de bois pour se brosser les dents et du bicarbonate de soude pour se laver les cheveux!
Prise de conscience
Avant qu’elle décide de changer ses habitudes, la famille de la Française Béa Johnson, installée en Californie, vivait son rêve américain : grosse maison avec trois places de garage, des jeeps, des traitements au Botox et une foule de choses inutiles comme 4 tables et 26 chaises. «En déménageant plus proche du centre-ville, on acheté plus petit, fait plusieurs ventes de garage et complètement revu notre mode de consommation», raconte Mme Johnson.
Dans le bocal où ils accumulent désormais les quelques déchets inévitables, on trouve notamment un carnet de timbres vide non recyclable, des étiquettes de fruits et légumes, un câble de vélo, un bâton de sucette, quelques sparadraps, un ancien joint de cuisine, les vieilles gommes à mâcher des amis des enfants et les restes de garniture en mousse du casque de planche à neige de papa.
«Les gens pensent que vivre comme ça, ça coûte cher ou ça prend du temps. C’est le contraire», lance Béa Jonson. Selon ses calculs, adopter la simplicité volontaire et revoir leurs méthodes d’achat leur a permis, à elle et à sa famille, de réduire leur budget de 40 %. «Et comme on achète moins, on perd beaucoup moins de temps», explique-t-elle, en précisant qu’en moyenne 15 % du prix d’un produit représente le coût de l’emballage.
Avec les 750 emballages de beurre (le seul produit emballé qu’ils achètent) récoltés en 4 ans, l’artiste française est en train de préparer une œuvre. L’art du zéro déchet, c’est aussi faire preuve de créativité dans la réutilisation.
Zéro déchet dans la cuisine
Le secret : trouver les boutiques où l’on vend des produits en vrac ou à la coupe. Prévoir plusieurs bocaux vides pour éviter les emballages ainsi que de minces filets en tissu lavables pour les fruits et légumes. Vous aurez compris qu’il faut éviter les supermarchés et aller dans plusieurs commerces différents, mais cela permet de marcher et de faire vivre son quartier.
Les boutiques de vrac montréalaises ne sont pas légion, même sur Le Plateau, mais on finit par les trouver, et les commerçants acceptent généralement les bocaux venant de l’extérieur. On se fabrique ensuite du lait de riz qui ne gagnera pas de concours, mais qui fait bien la job. On ressort le mélangeur pour les jus du matin. Et si on n’est pas le futur gagnant de l’émission Les Chefs, on peut toujours aller à La Maison du rôti avec ses propres bocaux pour y trouver des plats préparés vendus au poids.
Les résidus iront au compost. Pour se confectionner un composteur, une bonne vieille boîte en plastique, où l’on perce une douzaine de trous par face, fera bien l’affaire. On ajoute un peu de terre au fond, une couche de détritus (œufs, marc de café, pelures diverses, pas de viande ni de poisson) et une couche de papier journal. On arrose et on brasse régulièrement, et on obtient un compost de balcon qui ne causera aucun désagrément à ses narines! Il faut toutefois s’attendre à affronter une nuée de moucherons en ouvrant le couvercle. Et pour faire du compost l’hiver, il existe des composteurs d’intérieur où les vers de terre accélèrent le travail de décomposition.
Zéro déchet dans la salle de bain
C’est ici qu’il y a le plus de découvertes à faire. Dans les magasins Lemieux, vous pourrez remplir vos vieux contenants de lessive, shampoing, liquide à vaisselle, lave-vitre ou même nettoyant pour les planchers. Cela allègera le bac vert de plusieurs dizaines de bidons par année. Vous y trouverez aussi du bicarbonate de soude qui remplacera le shampoing ou le dentifrice.
Béa Johnson utilise de la poudre de cacao comme produit maquillant pour remplacer le fard à joues. «Remplir un petit pot me coûte 72 ¢. Ce petit pot dure une année et m’évite bien des ingrédients potentiellement néfastes», indique-t-elle. Sa famille utilise des brosses à dents compostables. On a plutôt essayé le siwak, un morceau de racine fibreux qui serait plus efficace que la brosse à dents. Peut-être, mais certainement pas autant que la soie dentaire!
On a aussi essayé la pierre d’alun (ou pierre de cristal) pour remplacer le déodorant. «J’ai la mienne depuis quelques années. Ça combat les mauvaises odeurs, mais ça n’empêche pas la transpiration», prévient Mme Johnson. Malgré nos glandes sudoripares de calibre olympique, le produit s’avère, de fait, assez efficace.
Pour arriver à ne pas produire de déchets, Bea Johnson est allée jusqu’à faire pousser dans son jardin un type de mousse (la luffa) pour récurer les éviers et a fabriqué des savons avec de la graisse de bacon. Elle a abandonné depuis. «On est passés par les deux extrêmes du spectre de la consommation avant de trouver le bon équilibre», dit-elle.
Conclusion
Le défi a été de taille, mais comme le dit Béa Johnson, «c’est à chacun de déterminer son degré d’implication. L’important, c’est de trouver l’équilibre.» Elle rêve toutefois d’une économie plus verte, où les salons de coiffure composteraient les cheveux de leurs clients, où on louerait des boîtes de plastique pour les déménagements, où on pourrait vendre directement aux recycleurs ses matières recyclables et où les commerces de seconde main fleuriraient.
«Selon un rapport datant de 2009 du Cascadia Consulting Group, les activités de tri, de traitement, de courtage et de transport liées au recyclage créent dix fois plus d’emplois par tonne de matériel que le dépotoir, et ça rapporte plus!» conclut-elle.
En attendant que cela se réalise, Mme Johnson prendra cet hiver des vacances au Mexique. Deux semaines à quatre qui ne coûteront rien, car la famille paiera la totalité de son voyage en louant sa maison de Californie. Vider les garde-robes de tout le monde pour les locataires temporaires ne sera pas long, car leur contenu tient au complet dans quatre petits sacs de voyage. Un par personne!
Les résultats
En une semaine, notre journaliste a produit 158 g de déchets, ce que la famille de Béa Johnson produit en quatre ou cinq mois. C’est néanmoins mieux que la moyenne montréalaise. Selon les statistiques de la Ville de Montréal, un Montréalais envoie chaque semaine 5,5 kg d’ordures dans les dépotoirs. Un chiffre faussé par le fait qu’une partie des poubelles des commerces et des institutions est aussi comptabilisée. Durant le défi, il a aussi généré 1,9 kg de déchets recyclables ou réutilisables.
Lire aussi les blogues de notre journaliste qui raconte sa semaine à tenter de produire zéro déchet:
- Une semaine sans déchet: J1, on relève le défi!
- Une semaine sans déchet: J2, le défi de l’alimentation
- Une semaine sans déchet: J3, composter sur son balcon pour pas cher
- Une semaine sans déchet: J4, un bâton pour les dents, une pierre pour les aisselles
- Une semaine sans déchet: J5, loin des Johnson, mieux que le Montréalais moyen