Le grand prix des arts
La compagnie de danse La La La Human Steps vient de fermer boutique. N’en fallait pas plus pour exciter les smattes des «vraies affaires» qui ont, encore une fois, pu bouffer de l’artiste à satiété. «Des balayeuses à subventions», comme c’était écrit dans le web-à-merde.
Désolé pour ces pseudo-experts/analystes (!), mais l’art fait toujours ses frais. Dès qu’il existe et parce qu’il existe. La job d’un artiste, c’est de divertir. Point à la ligne. Et ça ne se calcule pas. Qu’il soit chanteur pop ou dresseur de perruches, riche ou misérable, de gauche ou de droite, on s’en balance. Tant qu’il y aura des artistes, il y aura de quoi s’évader. L’équation est si simple qu’il est absolument navrant qu’on soit encore une fois obligé de la refaire aujourd’hui.
Y’en a plus que marre de ceux qui veulent mettre une valeur à tout. Qui s’attendent à ce que tout soit rentable comme si c’était là la condition sine qua non pour avoir le droit d’exister. Ça vous coûte combien, à vous, quand un chanteur se pète la gueule parce que son disque ne se vend pas? R-i-e-n! Même affaire pour une troupe de théâtre qui joue devant un parterre vide. Même maudite réponse: E-r-i-e-n!!!
Quel est donc ce besoin de vouloir donner une cote aux artistes et à leur art? Iriez-vous demander à Maude Guérin à quoi elle sert? Vous questionnez-vous sur la pertinence de Denis Villeneuve dans notre monde? Bon ben, poser la question, c’est…
Je me demande d’où est partie l’idée que les arts représentaient, pour le contribuable, un poste de revenus. Peut-être que ça vient des bonzes de la culture eux-mêmes qui, dès la fin des années 1970, ont commencé à qualifier le monde des arts «d’industrie culturelle». Comme s’il fallait absolument se placer nez à nez avec la business des pâtes et papiers pour être accepté. Comme s’il fallait à tout prix justifier sa présence avec les «retombées», qui sont devenues si présentes dans le jargon de la culture québécoise. Sans le savoir, cette quête de reconnaissance est devenue une sinistre trappe à jugement.
S’il y a un prix à payer pour les arts, c’est sans aucun doute celui-là. Et il est énorme.
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Vu: Listen to me Marlon, présentement à l’affiche au Cinéma du Parc. Un documentaire fascinant réalisé à partir de confidences enregistrées par Marlon Brando lui-même au fil des ans.
De ce film, je retiendrai plus particulièrement ce passage: «Mentir pour gagner sa vie. Voilà le travail de l’acteur. Tout ce que j’ai fait, c’est développer une sensibilité au procédé. Vous êtes tous des acteurs. Et de bons acteurs en plus. Parce que nous sommes tous des menteurs. Êtes-vous capable de dire une chose à laquelle vous ne croyez pas, ou encore de garder pour vous une chose à laquelle vous croyez vraiment? Vous passez votre temps à mentir pour avoir la paix, la tranquillité, pour être aimé… C’est ça, être un acteur.»