Le procès de Jian Ghomeshi commencera lundi
TORONTO — Jian Ghomeshi était une vedette de la radio suivie par un public fidèle avant de se retrouver au coeur d’un scandale qui a permis de lancer une conversation nationale sur les agressions sexuelles et les difficultés à les dénoncer. Plus d’un an après que les allégations contre l’animateur eurent secoué le pays — particulièrement au Canada anglais —, son procès se mettra en branle lundi.
Ghomeshi, l’ancien animateur de l’émission “Q” à CBC, a plaidé non coupable à quatre chefs d’agression sexuelle et un chef d’avoir vaincu la résistance par étouffement. Le procès devant juge seul, qui devrait durer plusieurs semaines, implique trois plaignantes et sera suivi par plusieurs personnes à travers le pays.
La controverse entourant Ghomeshi a fait surface le 24 octobre 2014, lorsque la CBC a d’abord indiqué que son animateur vedette prenait une pause professionnelle “pour régler des problèmes personnels”. Deux jours plus tard, la société d’État a annoncé avoir coupé les liens avec Ghomeshi.
Dans un long message sur Facebook publié le même jour, Ghomeshi a déclaré avoir été congédié en raison de “fausses allégations”. Admettant apprécier le “sexe brutal”, il a assuré que ses partenaires sexuelles avaient toujours été consentantes.
Cinq jours après son congédiement, la police de Toronto a annoncé qu’elle enquêtait sur Ghomeshi après que deux femmes eurent déposé une plainte. Le même jour, la CBC a envoyé une note à son personnel affirmant avoir vu des “preuves graphiques” que l’animateur avait causé des douleurs physiques à une femme. Le 26 novembre, Ghomeshi a été accusé de quatre chefs d’agression sexuelle et d’un chef d’avoir vaincu la résistance par étouffement. Il a été libéré sous caution et a reçu l’ordre d’habiter chez sa mère.
Un mois plus tard, trois nouveaux chefs d’agression sexuelle ont été déposés contre lui. Les présumées agressions auraient eu lieu entre 2002 et 2008. Deux de ces chefs ont plus tard été abandonnés parce que la Couronne a jugé qu’il n’y avait pas de possibilité raisonnable de condamnation. En plus de son procès de lundi, Ghomeshi subira un deuxième procès, en juin, pour faire face à un chef d’agression sexuelle.
L’attention suscitée par le cas Ghomeshi en a poussé certains à croire que le procès démontrera les forces et les faiblesses du système judiciaire en ce qui concerne de telles allégations.
“Cette cause pourrait encourager d’autres femmes à dénoncer ou elle pourrait venir renforcer certains aspects problématiques du processus”, croit Janine Benedet, professeure de droit à l’Université de la Colombie-Britannique.
Au moment où la controverse a éclaté, certains ont soulevé des questions quant aux raisons poussant des victimes d’agressions sexuelles à garder le silence.
Mme Benedet estime que les victimes sont souvent méfiantes envers le processus judiciaire, mais croit que l’attention entourant le procès Ghomeshi sera une bonne occasion de voir comment fonctionne le système.
Elle note cependant que les trois plaignantes dans le dossier Ghomeshi vivront sans doute des moments difficiles dans la salle d’audience.
“Il en est de la responsabilité du juge de s’assurer que les femmes seront traitées avec dignité et respect, mais le contre-interrogatoire, dans un procès criminel, peut être très détaillé et intense”, juge-t-elle.
Ghomeshi a embauché Marie Henein pour sa défense, une avocate ayant réussi à faire acquitter l’ancien entraîneur junior et agent David Frost, qui était accusé d’exploitation sexuelle. Elle a aussi défendu l’ancien procureur général de l’Ontario Michael Bryant, dont les accusations liées au décès d’un messager à vélo ont été abandonnées.