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Toujours se méfier des «bourses» de cryptomonnaies

Les organismes de réglementation ne cessent de s’interroger sur l’encadrement approprié qu’il conviendrait d’établir pour ces plateformes. Photo: iStock

La polémique des cryptobourses ne faiblira pas de sitôt. Ces places de marché où l’on troque des monnaies numériques ont depuis toujours suscité le doute. Une appréhension renforcée à intervalles réguliers par des cas de pertes ou de vols plus ou moins considérables. Au Canada, l’entreprise Quadriga a ainsi jusqu’au 18 avril prochain pour prouver à la justice ce qu’il est advenu de ses 190 millions de dollars canadiens «volatilisés».

Et le rapport publié lundi par la start-up new-yorkaise d’analyse prédictive The TIE enfonce un nouveau clou à ce sujet : 87% des plateformes d’échange de cryptomonnaies afficheraient des volumes de transactions «suspects», conclut le passage au crible des 100 plus importants acteurs de cette jeune industrie.

Si certaines, comme la Canadienne Coinsquare, enregistrent des volumes en ligne avec les attentes (150 000 $US par mois), 59% des plateformes font état de quantités 10 fois supérieures au niveau que leur nombre de visiteurs permettrait en réalité d’obtenir.

Partout dans le monde, les organismes de réglementation ne cessent de s’interroger sur l’encadrement approprié qu’il conviendrait d’établir pour ces plateformes. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) consultent d’ailleurs en ce moment même les fintechs, les investisseurs et autres participants de marché afin de brosser différentes approches possibles.

Pour l’occasion, les ACVM ont élaboré un inventaire des risques présentés par ces nouvelles plateformes qui remplissent des fonctions similaires à celles d’une bourse ou d’un courtier, sans être ni l’une, ni l’autre.

Passons en revue les 5 principales menaces pour les particuliers :

1. Gestion inadaptée
De nombreuses plateformes conservent les cryptoactifs de leurs clients dans un seul compte ou, pire, détiennent les clés privées de leurs participants.

«Il est possible que les plateformes ne soient pas dotées de procédés et de contrôles permettant de séparer les actifs des participants de leurs propres actifs et de les protéger. En outre, il est difficile à l’heure actuelle d’auditer les contrôles internes qui concernent la garde des actifs des participants», épinglent les gendarmes financiers canadiens dans leur projet d’encadrement.

Ne sachant pas distinguer les actifs des membres de leurs propres actifs, ces cryptobourses les utilisent alors pour financer leurs coûts d’exploitation ou toutes sortes d’autres frais.

Ces plateformes devraient idéalement se doter de politiques, procédures et procédés suffisants pour instaurer un système interne de contrôles et de supervision. Sinon, ces sociétés ne sont pas capables de «gérer avec prudence les risques associés à leurs activités, notamment les risques liés à la continuité des activités, au personnel et à la conformité à la réglementation», soulignent les ACVM.

Conséquence de ces manquements, ces acteurs risquent la faillite ou l’insolvabilité, mettant ainsi en péril les actifs des investisseurs. Elles ne pourraient dès lors pas détenir suffisamment de fonds pour couvrir les réclamations. Sans oublier que ces plateformes peuvent exercer leurs activités dans des territoires dotés de régimes limités en matière de protection des actifs et d’insolvabilité, épinglent les régulateurs canadiens.

2. Manque de transparence
Chaque cryptoactif a ses propres fonctions et comporte ainsi des risques qui lui sont propres. Les investisseurs risquent de ne pas disposer d’informations pertinentes et signifiantes sur les cryptoactifs qui sont négociés via une plateforme.

«Cela ne permet pas aux participants de prendre des décisions d’investissement éclairées, qu’il s’agisse des normes que le cryptoactif doit respecter pour être admissible à la négociation sur la plateforme ou des difficultés que peut poser la liquidation du cryptoactif, par exemple», précisent les ACVM.

Cette opacité relative aux jetons numériques se retrouve également au niveau de la structure ou des activités des cryptobourses. Il peut souvent persister un flou sur les fonctions réelles (achats, ventes, échanges, dépôt, etc.), leurs délais, les frais de gestion ou de transactions.

«Par exemple, certaines plateformes ne livrent pas de cryptoactifs à un portefeuille contrôlé par le participant, sauf si celui-ci le demande. Toutefois, les participants pourraient ne pas être conscients de ce fait ou des risques associés à la garde de leurs cryptoactifs par la plateforme, notamment du risque de ne pas être en mesure d’y avoir accès», insistent les régulateurs.

Conséquence de ces incertitudes, les investisseurs pourraient acheter des produits qui ne leur conviennent pas. Contrairement aux marchés réglementés qui communiquent généralement par l’entremise d’intermédiaires réglementés évaluant le profil du client, les cryptobourses peuvent offrir aux investisseurs un accès à des produits particulièrement complexes et volatils.

3. Conflits d’intérêts
Les conflits d’intérêts pourraient ne pas être gérés de manière appropriée – Il pourrait exister des conflits d’intérêts entre l’exploitant de la plateforme et les participants qui y accèdent, y compris les conflits d’intérêts inhérents au fait que la plateforme agisse en tant que teneur de marché et réalise des opérations à titre de contrepartiste, le cas échéant.

Un autre conflit concerne les opérations pour compte propre. Tout comme les courtiers, il est possible que certaines plateformes réalisent des opérations à titre de contrepartistes contre les ordres de leurs participants, y compris les investisseurs individuels.

Il en résulte des conflits d’intérêts et un certain nombre de risques, comme le risque que les participants ne sachent pas que l’exploitant de la plateforme réalise aussi des opérations sur le marché contre les ordres des investisseurs et le risque que les investisseurs n’obtiennent pas un juste prix lorsque ils effectuent des opérations avec l’exploitant de la plateforme.

4. Manipulation
On l’a vu avec l’analyse de The TIE, l’information sur le volume des ordres et des opérations peut ne pas être accessible au public ou suffisante pour former de manière efficace les cours boursiers des cryptomonnaies.

À cela s’ajoutent les risques de manipulation des négociations en raison de la volatilité du marché, du manque d’information fiable sur l’établissement des prix. Sans omettre que, contrairement aux Bourses de New York, Toronto et ailleurs, les transactions de cryptoactifs peuvent être effectuées 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Ces millions d’opérations effectuées sur des centaines de plateformes ne sont pas surveillées à l’heure actuelle, insistent les autorités financières canadiennes.

D’ailleurs, ces plateformes d’échange de cryptoactifs peuvent comporter de nouvelles caractéristiques présentant pour les investisseurs et les marchés de capitaux des risques susceptibles de ne pas être entièrement pris en compte dans le cadre réglementaire existant.

5. Inexpérience
Enfin, il convient de souligner que ces places de marché d’un nouveau genre présentent des risques accrus liés à la cybersécurité. La résilience, l’intégrité et les contrôles de sécurité des systèmes pourraient être inadéquats.

Et les ACVM de conclure que la blockchain reste «une technologie émergente et les exploitants de plateformes pourraient ne pas avoir suffisamment d’expérience ni disposer des compétences nécessaires pour assurer le bon fonctionnement des systèmes et offrir une protection adéquate contre le cybervol des investissements en cryptoactifs des participants».

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