Visages, villages: la beauté près de soi
La grand-maman de la Nouvelle Vague fait équipe avec un important artiste visuel dans Visages, villages, un des documentaires majeurs de l’année.
Est-ce qu’il y a un duo plus insolite que celui formé d’Agnès Varda et de JR? La première est la plus grande cinéaste vivante, auteure d’une œuvre nécessaire qui regroupe Cléo de 5 à 7 et Sans toit ni loi. Le second s’avère une référence dans son domaine, exposant sur les murs du monde d’immenses photographies.
C’est justement ce qu’ils font dans Visages, villages, se promenant dans la France des régions pour immortaliser la beauté des gens sur des matériaux qui prennent un sens nouveau. Un road-movie plein de rencontres marquantes où la population trop souvent oubliée peut enfin raconter ses propres histoires. Et quelles histoires!
À mi-chemin entre Mur murs et Les plages d’Agnès, ce travail de mémoire, au demeurant ludique et léger, se mute en réflexion probante, et surtout personnelle, lorsque JR pousse sa coréalisatrice octogénaire à plonger dans ses souvenirs. La chimie opère parfaitement entre eux et la glaneuse en chef a tôt fait d’évoquer son passé, sur un ton qui se veut plus nostalgique que mélancolique.
Soudainement, les fantômes d’hier semblent se libérer, ne faisant qu’un avec l’instant présent. Il y a le regretté cinéaste Jacques Demy (l’époux de Varda), le mythique photographe Henri Cartier-Bresson et tous les autres. De quoi renforcer le sentiment que cet essai pourrait bien être son chant du cygne.
L’ombre de son ami Jean-Luc Godard plane sur l’effort, apparaissant d’abord par les lunettes et l’air mystérieux de JR, puis cette recréation d’une scène célèbre de Bande à part. Avant de culminer dans une finale particulièrement bouleversante. Une explosion d’émotions qui remet les pendules à l’heure et qui rappelle, après la longue agonie de Jean-Pierre Léaud dans La mort de Louis XIV, que la Nouvelle Vague est bel et bien morte.
Ce n’est pourtant pas cette tristesse qu’on retient de Visages, villages, mais bien la poésie du quotidien. Cette lumière éclairante qui est partout si on se donne la peine de s’arrêter, d’observer et d’aller vers l’autre.
https://www.youtube.com/watch?v=YlQ104-3XYs