Le jeu: ne pas avoir les moyens de ses ambitions
Depuis deux semaines, le lundi soir, TVA déballe un de ses gros canons de l’automne: la fiction Le jeu, mettant en vedette Laurence Leboeuf.
Après le succès de Fugueuse, on se relance dans la série-choc du côté de l’ancienne Télé-Métropole avec la promesse d’attaquer de front les enjeux de cyberintimidation, de responsabilité sociale, de dépendance, de misogynie et de sexisme ordinaire. Pas un petit mandat.
Le jeu, c’est un thriller psychologique écrit par Mylène Chollet et Martin Girard. On suit l’ascension d’une jeune créatrice de jeux vidéo (Leboeuf) qui, après une maladresse en entrevue, doit composer avec les foudres et les menaces d’internautes avec un esprit de vengeance particulièrement sadique.
Sur papier, il y a quelque chose d’intéressant ici. On sort des salles de nouvelles avec des journalistes ou des bureaux d’enquêteurs troublés. Ceci dit, on plonge dans l’univers macho des jeux vidéo avec la subtilité d’une boule de quilles et, dès les premières minutes de la série, on sent l’écart irréconciliable qui se creusera graduellement entre le public et l’appréciation d’un récit pourtant prometteur. Tout dans Le jeu est dramatiquement exagéré – la musique, le jeu, l’intrigue, le récit, etc.
Je risque de visionner Le jeu pour les mêmes raisons que j’ai dévoré les épisodes des Jeunes loups à l’époque – la curiosité morbide.
Contrairement à la série de Réjean Tremblay, qui collectionnait les maladresses d’un autre temps, Le jeu est victime de ses propres prétentions de vouloir en faire trop et le résultat est une série ambitieuse qui tombe à plat rapidement et devient plutôt un pastiche d’un récit captivant, un peu comme le serait un film pour la télévision réalisé à la va-vite pour pasticher un succès populaire au cinéma.
Sans dire que Le jeu est dénué de qualités, l’ensemble de la production porte tellement des gros sabots qu’on peut difficilement prendre le tout au sérieux. Et là, je ne vous parle même pas du placardage des jeux vidéo dans la série qui nous rappelle les mauvaises années du CGI approximatif au cinéma qui enlevait au récit tant le dosage était mal géré.
Le Québec a les moyens et le talent pour faire de la télévision de qualité comparable à celle de partout ailleurs, mais nous avons aussi cette fâcheuse habitude d’endosser des projets d’une maladresse fascinante. C’est à se demander qui a visionné Le jeu avant de le mettre en ondes en se disant qu’il s’agissait ici d’un effort suffisant pour transporter l’automne au niveau de la fiction à TVA.
Je suis sévère, je sais, mais je suis un peu tanné de cette formule de séries sans saveurs qu’on nous offre juste pour meubler du temps sur les ondes. Tous ces artisans talentueux sont capables de plus et de mieux, c’est ça qui est le plus fâchant.
Je ne peux pas vous recommander Le jeu, sauf pour rire de ses travers et la vie est trop courte pour investir du temps à faire ça.