Ces librairies qui se démènent comme des diables
Seules parmi tant d’autres, les librairies indépendantes sont fragiles. Dès que le milieu du livre est éprouvé, elles encaissent le coup sans filet pour les empêcher d’atteindre le bas-fond.
Prochain chambardement : l’arrivée du livre électronique. «Ça risque de nous déstabiliser, avance la directrice générale de l’Association des librairies du Québec, Lise Desrochers. Mais c’est à nous de prendre le virage et d’affirmer notre rôle de diffuseur de livres.»
Le regroupement des Librairies indépendantes du Québec (LIQ) compte bien s’approprier ce nouvel outil de lecture. Son portail internet livresquebecois.com offrira sous peu des livres québécois en format électronique.
«On est même en pourparlers avec des fabricants de e-book pour le vendre, affirme le directeur général des LIQ, Denis LeBrun. On a déjà rencontré Sony et Kindle. Ça va se régler prochainement. Et après, on fera le tour de nos librairies. Celles qui voudront offrir le e-book auront la possibilité de le faire.»
Pas pour tous, le livre électronique
La propriétaire de la librairie du centre-ville Zone libre, Mireille Frenette, est de ceux qui ne veulent pas penser au livre électronique. «Je ne le vois pas, dit-elle. Je ne me suis pas fait une idée là-dessus.»
Yvon Lachance, qui est copropriétaire de la librairie Olivieri, affir-me de son côté qu’il fera une place à la lecture électronique. «Mais ma peur, c’est qu’avec les moyens que demande le livre électronique pour se développer, ce marché va favoriser très peu de joueurs, affirme-t-il. Et on le voit déjà. Ce ne sont que les plus gros qui peuvent investir assez.»
«Je sais que ça fait peur à beaucoup de libraires, réplique le directeur général des LIQ, mais ce n’est pas en niant l’existence du livre électronique qu’on va gagner. Il faut l’offrir tout en sachant qu’une grande partie de la clientèle va préférer le livre papier.»
La différence
Au Québec, on compte plus de 150 librairies indépendantes qui tentent de tirer leur épingle du jeu devant les grandes chaînes de librairies et les très populaires sites internet de distribution tels qu’Amazon.
L’avantage des librairies indépendantes, c’est qu’elles se retrouvent dans toutes les régions du Québec, autant les petites que les grandes. «Toutes les villes de moyenne importance au Québec ne sont pas desservies par les grandes chaînes», constate Denis LeBrun.
Qui plus est, une visite dans une librairie indépendante est très différente d’une visite dans une succursale. La différence? La personnalité du libraire, croit le copropriétaire de la librairie du Mile-End L’Écume des jours, Roger Chenier. Dans une librairie indépendante, tout est choisi par le libraire : les livres, les événements organisés, la décoration. «On a une certaine intimité avec le client, confie M. Chenier. Si quelqu’un ne veut pas de cette intimité, ça me surprendrait qu’il vienne ici.»
Le choix des livres est également différent. Le dernier best-seller ne se retrouvera pas nécessairement dans une librairie indépendante. Question d’espace et de cohérence. «Chaque librairie a son style et sa diversité, indique Denis LeBrun. Certaines ne vous plairont pas parce qu’elles ne gardent pas les livres que vous voudriez qu’elles gardent.»
Mireille Frenette indique quant à elle que le service à la clientèle fait contraste avec les chaînes de librairie. «Les clients reviennent chez nous parce qu’ils ont un bon service, parce qu’on est là pour les aider quand ils cherchent des trucs», mentionne-t-elle.
Pour inciter ses clients à rester plus longtemps dans sa librairie, Yvon Lachance a choisi, il y a dix ans, d’ouvrir un petit bistro à l’arrière de son magasin. «C’est un lieu où les gens peuvent s’asseoir et passer du temps, fait valoir le libraire du quartier Côte-des-Neiges. Ça aide l’aspect convivial de la librairie.»