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Cinéma: la Ville de Montréal rêvée par de grandes dames

Photo: Collaboration spéciale

Rêveuses de villes est le second documentaire de Joseph Hillel consacré à l’architecture, un art qui mérite selon lui de sortir de l’ombre. Et c’est vers quatre pionnières qui ont pensé et façonné plusieurs villes d’Amérique du Nord, dont Montréal, que le réalisateur a choisi de diriger sa caméra.

Pourquoi avoir choisi de faire un film sur ces femmes architectes?
Je me suis souvent demandé pourquoi on connaissait certains peintres, écrivains ou chanteurs, mais pas d’architectes, qui sont pourtant eux aussi des artistes. L’idée n’était pas de faire un film biographique sur Cornelia Hahn Oberlander, Denise Scott Brown, Phyllis Lambert et Blanche Lemco van Ginkel. Je souhaitais simplement qu’avec Rêveuses de villes, on remarque ce que ces dames ont fait comme gestes significatifs en matière d’architecture et d’urbanisme pour les villes dans lesquelles elles travaillent et demeurent.

Pour moi, les femmes ont un regard plus humain, plus inclusif aussi. Elles voient la ville à une échelle humaine. Elles pensent au patrimoine, aux enfants, à l’écologie, à la diversité. C’est mon propre préjugé, et c’est dans cet esprit là que je suis allé vers ces quatre femmes architectes. Ces phénomènes, qui ont de 87 à 97 ans, ont d’ailleurs commencé dans un milieu d’hommes et ont réussi à se faire une place.

Pouvez-vous nous parler de Blanche Lemco van Ginkel et de son influence sur Montréal?
Le point de départ du documentaire a été ma rencontre avec cette architecte, cofondatrice de l’Ordre des urbanistes du Québec. J’avais entendu dire qu’elle avait tout simplement sauvé le Vieux-Montréal de la démolition. Blanche Lemco van Ginkel est une femme incroyable qui a étudié à l’Université McGill, en Europe avec Le Corbusier, et aux États-Unis. Lorsqu’elle est revenue à Montréal, on ne considérait absolument pas le Vieux-Montréal. On y brûlait des bâtiments pour faire des stationnements. À l’époque, on allait raser la rue Saint-Paul, un geste qui aurait atteint l’identité même de Montréal, et ça a pris la conscience de cette femme-là pour l’éviter.

Je pensais honnêtement que la dame était décédée, et puis j’ai appris un jour par une amie que Blanche Lemco van Ginkel allait être de passage à Montréal pour recevoir un doctorat honoris causa à l’Université McGill. J’ai alors fait le nécessaire pour obtenir une entrevue avec elle, et c’est à ce moment que j’ai un énorme coup de cœur pour cette femme de 90 ans. Elle était rigolote, pétillante, elle riait. Parfois, on perçoit les architectes comme des personnes dures, très intellectuelles, mais là, je me suis vraiment dit : «Wow! J’ai une femme architecte en face de moi qui pourrait confondre bien des gens.»

Que dire de Phyllis Lambert?
De son coté, Phyllis Lambert a œuvré pour la préservation de Milton Parc, aussi appelé le Golden Square Mile, qui allait également être rasé par des entrepreneurs. C’est d’ailleurs à cette occasion que Phyllis a fondé Héritage Montréal [organisme privé sans but lucratif qui promeut et protège le patrimoine du Grand Montréal]. Comme Blanche, Denise et Cornelia, elle est engagée au-delà de la conception d’édifices; elle se bat pour la protection des bâtiments historiques.

Phyllis Lambert est aussi la fondatrice du Centre canadien d’architecture, qui est pour moi unique au monde. Je suis surpris que certains Montréalais n’y soient jamais allés, car l’endroit est visité par de nombreux étrangers. Avec mon film, j’aimerais donc sensibiliser les gens à l’architecture. Notre environnement bâti est primordial, et il me semble important de savoir qu’on construit des quartiers décemment, et non comme un Griffintown qui a été aménagé de manière brutale et purement commerciale. Avec un peu plus de sensibilité, je pense qu’on y gagnerait tous. Pour avoir pas mal voyagé, je peux dire qu’on est extrêmement chanceux d’habiter une ville à échelle humaine.

Qu’est-ce qu’évoque, selon vous, le titre de votre documentaire?
C’est drôle. J’ai développé le projet avec un titre de travail qui était City Dreamers. Quand je suis arrivé à la fin du film, je me suis dit que ça collait très bien au propos: la recherche d’un idéal, la possibilité de concevoir un milieu de vie adapté à tous. Je pense que ces quatre femmes sont dans cette quête, dans le rêve d’une ville faite pour tout le monde. J’ai mené une réflexion sur la ville et ses transformations, et je trouve que la vision de Blanche, Phyllis, Cornelia et Denise s’inscrit très bien dans cette perspective de ville en perpétuelle évolution. La passion de ces dames parlera à tout le monde, j’en suis certain.

Rêveuses de villes, à l’affiche dès vendredi.

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