36 heures au Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue
Dernier sursaut de l’été, le Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue clôt la saison des festivals avec sa programmation éclectique. Métro vous offre une rétrospective de ses premières 36 heures au plus fou des festivals québécois.
Fou comme Brach
Arrivé tard vendredi à Rouyn-Noranda, on ne peut constater une fois rendu sur place qu’on a raté les grands moments de la soirée d’ouverture de cette 17e édition : les Sœurs Boulay, Kid Koala, Millimetrik.
Qu’à cela ne tienne, on se reprend à la sortie de l’avion en se programmant une soirée bien chargée qui commence par une poutine du légendaire casse-croûte chez Morasse (qui s’est auto-proclamé producteur de la meilleure poutine au monde) et quelques chansons de Bernard Adamus livrées dans un garage plein à rebord. On en aurait pris plus (d’Adamus, pas de poutine), mais on a rapidement mis le cap sur l’Agora des Arts, où se produisait Philippe Brach.
L’église convertie en salle de spectacle était l’endroit tout indiqué pour que se déploie la folie de Brach.
Arrivé sur scène avec une magnifique coupe Longueuil capable de faire rougir d’envie la Rive-Sud au complet, l’artiste s’est présenté comme «Pierre-Marc Gosselin, leader du Silence des troupeaux», groupe hommage à…Philippe Brach.
La perruque a fini par prendre le bord, mais pas l’énergie du jeune homme, qui avec ses allures du gourou Roch Thériault sur la MDMA, tournait sans cesse sur lui-même tel un derviche tourneur.
Brach et ses musiciens ont offert un spectacle rodé au quart de tour, l’un des derniers de la tournée accompagnant le troisième album de l’auteur-compositeur-interprète.
Même s’il devait céder rapidement la place à «Demi-marathon de lune», le groupe hommage à Half Moon Run qui suivait, le chevelu chanteur a tout conclu avec un rappel expéditif sur son grand succès Crystel. Une finale réussie.
Abitibi internationale
Si le FME est assurément un tremplin pour la scène indépendante québécoise, c’est aussi l’occasion de voir à l’œuvre de jeunes talents internationaux. L’édition 2019 fait bonne figure dans ce domaine avec la présence de la Française Jeanne Added, des Belges de Glauque et des Chiliens de LA Julia Smith. (Peut-être nostalgique de 10 things I hate about you, on les appelé LA Julia Stiles toute la fin de semaine, mais on a tout de même apprécié leur rock psychédélique et leur promotion invétérée du pisco, alcool chilien par excellence).
La palme de l’exotisme revient toutefois aux The 5,6,7,8’s, groupe rockabilly japonais qu’on a pu découvrir dans la fameuse scène du bar dans Kill Bill, Volume 1 («Woo hoo hoo hoo», c’est elles!»).
De passage sur la minuscule scène du Diable Rond, elles ont profité de l’occasion pour prouver que leur répertoire était loin de s’arrêter aux seules chansons entendues dans le film de Tarantino.
Malgré leurs allures de secrétaire à l’aube de la retraite (elles tournent depuis 1986!), ces trois petits bouts de femmes ont fait lever le party à des hauteurs stratosphériques, deux fois plutôt qu’une. The 5,6,7,8’s, c’est un peu comme si votre mère et ses sœurs se partaient un band surf rock entre deux épisodes de District 31 . Mais un band capable de faire démarrer un mush pit avec trois accords.
D’un jazz à l’autre
Le jazz connaît présentement une belle poussée au Québec et on en a une belle preuve à Rouyn-Noranda. Dans une formule classique, Dominique Fils-Aimé a su captiver le public du Paramount avec son récital empreint d’émotions. Demandant aux spectateurs de garder leurs applaudissements pour la fin, elle a offert un spectacle tout en crescendo, suivant le parcours de ses albums Nameless et Stay Tuned! Entouré d’excellents musiciens, elle nous a fait passer de la douleur à la lumière en l’espace de quelques chansons.
À l’autre bout du spectre, Fet.Nat., quatuor quasi expérimental nommés sur la courte liste du prix Polaris (comme Dominique Fils-Aimé d’ailleurs), a poussé les frontières du jazz dans un concert bondé présenté au Cabaret de la dernière chance. Au menu : improvisation, dérision et solo de sax enflammé. On ne sait pas trop à quoi on assiste, mais on sait que c’est furieusement libre. Agréable à l’oreille? Pas toujours. Mais hautement subversif.