De Mika à Michael
«Who gives a shit about tomorrow?» chante Mika sur son nouvel album, My Name Is Michael Holbrook. Suivant cet énoncé, l’artiste a fait à sa tête pour composer des chansons personnelles, souvent sombres malgré leur enrobage pop.
Après une pause de création, Mika a eu besoin d’un nouveau souffle. Pour ce faire, il a fait table rase des équipes des grands studios avec qui il collaborait pour mieux s’entourer. Celui qu’on a connu il y a 12 ans (déjà!) avec les hits Relax, Take It Easy et Grace Kelly a puisé dans ses racines et enquêté sur lui-même pour retrouver Michael Holbrook, l’homme derrière Mika.
Métro l’a rencontré dans un hôtel du centre-ville de Montréal au lendemain d’une série de deux spectacles donnés au Corona en septembre.
Bonjour Mika, ou plutôt Michael. Ces deux noms renvoient-ils à des personnes différentes pour vous?
Il y avait beaucoup de différences entre les deux avant. Chaque fois que quelqu’un m’appelait par mon nom, Michael Holbrook, ça me provoquait une tension dans l’estomac. Vraiment, ça me donnait des frissons. Je ne sais pas pourquoi, et c’est ce que j’ai voulu comprendre. Je me suis dit: peut-être si je confronte cette chose, qui n’a pas l’air si importante, mais qui est fondamentale en vérité, je pourrais non seulement trouver un sujet et un discours à explorer, mais je pourrais aussi débloquer une partie de moi-même.
Est-ce que ce processus vous a réconcilié avec Michael?
Oui. Lors d’un roadtrip, je suis allé voir d’où venait la famille de mon père, en Géorgie. J’ai vu tous les tombeaux avec mon nom de famille dans le cimetière de Bonaventure et c’était presque… Ah! C’était concret! Ça fait partie de moi. C’est arrivé pendant une période très turbulente pour moi et ma famille, donc heureusement que j’ai lancé cette enquête sur moi-même pour faire la paix avec une partie de moi. Ça m’a aidé à survivre et à gérer mes émotions pendant une période extrêmement douloureuse et difficile. Tout cela s’est manifesté dans un album qui a été fait en temps réel avec la vie, qui est né d’une tristesse et de préoccupations profondes, mais qui fait danser. C’est un énorme paradoxe.
On sent d’ailleurs ce contraste en l’écoutant…
Oui, c’est dans l’ombre et la lumière. C’est une combinaison délicieuse, en fait, ce contraste. La pop et le populaire sont deux choses complètement différentes pour moi. La pop a la possibilité d’être très poétique. C’est ce que j’ai voulu totalement assumer sur cet album.
S’agit-il d’un retour aux sources?
C’est un retour à l’irrévérence de mes sources. Et aussi au lâcher-prise de ma jeunesse. Quand on écrit un album pour des raisons personnelles, on ne pense pas aux conséquences, parce qu’elles ne sont pas aussi importantes que l’émotion. C’est donc un album où on sent que je me fiche totalement des opinions! C’est pour ça que les mélodies sont tellement chaudes, qu’il y a tellement de couleurs… Ce n’est pas quelque chose qui cherche à plaire ou à être dans un style en particulier, ça existe dans son propre univers.
«Je vais crier, hurler le plus fort possible. Je vais me casser la gueule, parce que j’ai quelque chose à dire.» Mika
Ça donne un album très honnête, très intime…
… Et très direct. Je sens que ce que j’ai à dire est important et pertinent. Je crois que j’ai retrouvé cette urgence de communiquer, ce que je n’avais pas ressenti depuis des années!
Ces dernières années, vous avez été coach à The Voice en France, et à X Factor en Italie. Comment ces expériences ont-elles changé votre approche de la musique?
Elles n’ont pas changé mon approche de la musique. Elles m’ont donné un peu de distance, qui m’a permis de réexaminer mon processus créatif. C’était très utile, parce que ça m’a donné une manière de parler avec les gens et de m’exprimer. En revanche, à un certain moment, il faut dire que c’est addictif. On y trouve la reconnaissance très vite, tellement vite, beaucoup plus qu’en musique.
Vous dites que Blue est votre chanson préférée de l’album, pourquoi?
Parce que c’est un moment suspendu. C’est une véritable lettre d’amour aux femmes de ma famille. Quand on dit qu’on aime quelqu’un, ce n’est pas seulement dans la joie et le succès. C’est dire: «Je t’aime dans tes moments les plus bleus. Quand tu ne t’aimes pas, moi je t’aime.»
En écoutant San Remo, on imagine une chanson qui invite aux vacances, mais en fait, il s’agit plutôt de votre regard de jeune adolescent homosexuel sur cet endroit en Italie?
Oui. C’est très représentatif de l’album. Il y a toutes ces mélodies, c’est doux et poétique, mais en fait il y a un fond plus intense, plus dark et plus personnel.
À l’image des contrastes de l’album, diriez-vous que la chanson Tiny Love parle du grand amour?
Exactement! Je voulais casser les clichés des chansons d’amour. Ça m’a amusé, et ça a évolué très naturellement. J’ai réalisé qu’une chanson d’amour n’a rien à voir avec l’amour pour une personne; c’est plus grand que ça, c’est plus large, et c’est aussi minuscule, parce que c’est transparent.