Émile Bilodeau: joyeusement libre
Émile Bilodeau joint l’utile à l’agréable avec son nouvel album Grandeur mature, qui allie ritournelles engagées et plaisirs bon enfant.
Pour promouvoir son deuxième opus, Émile Bilodeau nous reçoit dans une boutique d’accessoires médiévaux, clin d’œil à son single Robin des bois. Heureux et à l’aise comme un poisson dans l’eau, il se prête volontiers au jeu des photographes qui lui demandent de prendre la pose. Ici avec une chope à la main, là affublé d’une épée en «mou», mais toujours coiffé de son petit chapeau à plume que n’aurait pas renié Cary Elwes dans Robin des bois: Héros en collant.
«Hey, scuse-moi, j’ai mis ma bouche dessus», explique-t-il, repentant, au propriétaire de la boutique en lui remettant le cor de guerre qu’il a joyeusement fait résonner rue Sainte-Catherine à la demande de notre photographe.
Quelques instants plus tard, les «C’est tellement l’fun!» et les «Je suis tellement content!» recommencent à fuser de plus belle de la bouche du jeune homme, alors qu’il déambule dans les allées du magasin, avant de nous inviter dans son «antre» (l’arrière-boutique) pour l’entrevue.
Émile Bilodeau a peut-être 23 ans maintenant, mais on ne l’appellera pas Monsieur Émile pour autant.
Si ses textes sont dénonciateurs de notre sombre époque, il émane de l’auteur-compositeur-interprète une joie communicative qui se manifeste tant dans sa musique que dans sa personne.
«Je parle d’affaires sérieuses sur l’album, mais j’ai juste à toucher mon chapeau de Robin des bois pour me rappeler qu’on peut avoir du fun aussi», souligne-t-il en riant.
Des affaires sérieuses, il y en a effectivement beaucoup dans Grandeur mature: la montée de l’intolérance sur Freddie Mercury, l’angoisse climatique sur Yoga, la quête d’un pays sur Ton nom («Québécois, c’est joli / Québécois, c’est concis/ Et crois-moi, c’est con si /On ne devient pas un pays»).
Québec Love
Émile Bilodeau ne le cache pas, il est un farouche partisan de l’indépendance du Québec. Son désir d’un pays et sa défense du français transparaissent dans plusieurs de ses chansons.
«Je suis un artiste, je veux me sentir libre. Toute ma vie, j’ai fait ce que je voulais. C’est basé sur le fait que je m’assume. Et pourquoi ne pas s’assumer ensemble? Je veux que les homosexuels se sentent bien, que les gens des autres communautés se sentent bien, je veux me sentir libre. Pour être en accord avec cette idée, c’est essentiel que je demande que mon Québec vole de ses propres ailes», insiste l’auteur-compositeur-interprète, qui porte fièrement un chandail à la mémoire du regretté Pierre Falardeau.
Des sujets graves, mais toujours enrobés d’humour dans une forme musicale digeste capable de rallier le plus grand nombre. Pour avoir du fun en groupe, justement, quitte à froisser quelques sensibilités.
«J’en ai pas peur, mais je sais que ça va arriver, le Québec étant ce qu’il est et sachant pour qui il vote depuis 1980. En même temps, je dois rester fidèle à moi-même. Et une chanson, c’est une chanson. La musique doit d’abord être quelque chose de plaisant, pas de négatif.»
«Une toune, il faut que ce soit généreux, que ça fasse voyager et réfléchir en même temps, poursuit-il. C’est important d’aller plus loin que la simple chanson d’amour ou la simple chanson politique. La chanson, c’est un univers. Il ne faut pas que ça reste flat.»
Grande ambition
Grandeur mature est loin d’être flat. Réalisé sous la gouverne de Philippe B, l’album est plus ambitieux musicalement que son prédécesseur, Rites de passage.
On y entend des «guits électriques dans le tapis» du ukulélé, des claviers, un accordéon, des cuivres, une clarinette basse, des chœurs et des invitées de marque (Caroline Savoie sur Candy et Klô Pelgag sur Freddie Mercury).
«Elle est là la grandeur de Grandeur mature, dit-il. Dans cette diversité qui vient améliorer le projet et qui fait en sorte que je peux inviter plus de monde.»
Grande aussi est l’ambition d’Émile Bilodeau, qui voit ce deuxième effort solo comme un moyen de changer le monde, rien de moins.
«Pantoute! J’ai pas l’âge d’avoir des doutes. Avant de changer de camp, avant d’être blasé, je vais me donner un autre 15 ans.» – Émile Bilodeau, auteur-compositeur-
interprète, lorsqu’on lui demande s’il doute parfois de ses convictions.
«Cet album-là, c’est un peu de l’huile à changement, assure-t-il d’un ton convaincu. Pour qu’on change les choses, il faut mettre des mots sur le problème. Je peux aider à faire changer les mentalités, ou au moins rassembler ceux qui croient qu’on a le droit d’être libre.»
Un simple album peut y parvenir? «Absolument. Mon but, c’est que, dans trois ans, cet album ait contribué à changer les choses, que Freddie Mercury joue dans les parades de la fierté et Yoga dans les marches pour la planète. La fin du monde est inévitable, mais on peut faire en sorte que ce soit dans 10 milliards d’années, plutôt que dans 50 ans.»
Grandeur mature – Disponible vendredi