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«Clemency»: La prison autrement

Clemency
«Clemency» de Chinonye Chukwu sort en salle aujourd’hui. Photo: Collaboration spéciale

Les longs métrages sur le couloir de la mort sont généralement présentés selon le point de vue des accusés ou des avocats. Mais pas Clemency, qui adopte plutôt le regard d’une directrice de prison (Alfre Woodard) chargée de mener à bien les exécutions.

«J’étais vraiment curieuse de connaître les répercussions émotionnelles et psychologiques sur les individus qui sont témoins de ça, qui doivent prendre des vies humaines», raconte au bout du fil la réalisatrice Chinonye Chukwu, qui a eu l’idée de ce scénario dans la foulée de l’affaire Troy Davis – un Afro-Américain dont l’exécution en 2011 avait suscité une vive polémique.

D’abord présentée comme une figure sévère consumée par sa routine professionnelle, l’héroïne s’humanise peu à peu au contact de son entourage.

«Elle se permet enfin de ressentir ce qui lui arrive, explique la cinéaste américaine, à qui on doit aussi alaskaLand, réalisé en 2012. Elle se libère de tous ses sentiments, de ses conflits, de ses douleurs et de ses traumatismes.»

Quatre ans de recherches

La mise en scène, basée sur l’observation – le tournage a été précédé de quatre ans de recherches –, l’imite d’ailleurs dans sa façon de passer d’un ton volontairement clinique à un style beaucoup plus incarné.

Avec Clemency, tourné en seulement 17 jours, Chinonye Chukwu est devenue la première réalisatrice noire à remporter le Grand Prix du jury (section américaine) au dernier Festival de Sundance. «Mais j’aurais préféré être la 15e femme noire. C’est un bel honneur et j’espère être un réel agent de changement.»

Son film et de nombreux autres joyaux du cinéma indépendant afro-américain – comme The Last Black Man in San Francisco et Waves – ont toutefois été snobés lors des plus récentes nominations en vue des Oscars. Une surprise de taille, surtout si on considère la performance inoubliable d’Alfre Woodard.

«Il y a parfois d’autres critères que celui de l’excellence qui sont pris en compte et, très souvent, seules quelques personnes peuvent en profiter, analyse la metteuse en scène. C’est un problème systémique de ce type d’institution, car, ultimement, une reconnaissance des Oscars peut transformer des carrières et bouleverser le statu quo.»

«Mon travail est de montrer et d’élever l’humanité qui existe dans le monde. Être réalisatrice, c’est être empathique.» Chinonye Chukwu, réalisatrice qui réinvente pratiquement le film de prison avec son long métrage Clemency.

La métamorphose, la cinéaste l’a surtout connue au contact de son long métrage, qui lui a permis «d’exprimer encore plus de compassion et de ne pas définir les gens en fonction de leurs pires actions».

Elle a même créé un programme de cinéma dans une prison pour femmes.

«Pendant mes recherches, j’ai croisé plusieurs femmes incarcérées et je me suis dit qu’aucune de leurs histoires n’allait quitter les murs de leur prison, se rappelle celle qui est également enseignante à ses heures. Alors, j’ai voulu former un collectif pour que ces personnes aient la possibilité de raconter leur propre histoire.»

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