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Quand l’art de la récupération adopte la Grand Rue de la capitale d’Haïti

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Photo: Snayder Pierre Louis

À l’extrémité sud de la Grand Rue de Port-au-Prince, à Haïti, parmi le dédale labyrinthique des ruelles qui bordent l’avenue, se trouve traditionnellement un secteur d’art pour le marché touristique en constante diminution. C’est un collectif d’artistes réunissant les artistes plasticiens, principalement des sculpteurs de récupération. Ce collectif porte le nom de  «Atis Rezistans».

Ce mouvement a été initié par les sculpteurs Jean-Hérard Celeur et André Eugène. Tout deux ont grandit dans cette ambiance où la survie dépend de la débrouillardise, du bricolage et du recyclage.

«Nous vivons dans un endroit où l’environnement est complètement dégradé. Avec des compagnons sculpteurs, je trouve un moyen d’intégrer des débris dans l’art haïtien», déclare André Eugène, l’actuel leader du mouvement.

Collection d’art ou  galerie?

Fondé sous l’initiative du sculpteur Georges Laratte en 1970, les artistes, d’origine populaire, créent un monde nouveau dans l’art haïtien.

Cette cour cachée derrière le boulevard semble défier toute définition standard. L’espace en plein air regorge de sculptures, qui vont des figurines, de la taille d’une paume à des effigies démoniaques imposantes menaçant la tête des visiteurs.

Il y a des milliers de pièces toutes originales. C’est un univers fantasmagorique inspiré du vaudou, de la situation sociale et économique actuelle du pays.

«C’est ici qu’on expose les œuvres des artistes. Nous n’obéissons pas au standard des autres galeries. Nous avons notre façon de fonctionner parce que c’est avant tout l’art de recupération. C’est-à-dire, une lutte», relate André Eugène.

Gilel Aristilde est également membre du mouvement. Agé d’une trentaine d’années, il explique que s’il y a un thème fédérateur dans la collection d’art, autre que le penchant évident des artistes pour le macabre, c’est bien la notion de récupération et de recyclage.

Une lutte pour la protection de l’environnement

Haïti a un problème d’ordures. La capitale Port-au-Prince et la région métropolitaine produisent en moyenne entre 6 000 et 8 000 tonnes de déchets par jour. Cependant, seulement 28% des déchets sont collectés dans la capitale. Il n’y a pratiquement pas d’élimination publique des déchets ni de recyclage des déchets. Toutes les ordures finissent dans les rues, il n’y a pas de poubelles.

«Récupérer une quantité de déchets dans les rues pour créer le beau, est avant tout une forme de combat pour notre environnement. D’autant plus qu’ il n’y a pas un système de tri à Port-au-Prince. Des montagnes d’ordures s’accumulent dans la ville et sur les plages», explique Gilel Aristilde.

Les pneus crevés, les clous, les carcasses de voitures, les tas de ferraille, les morceaux de bois, sont entre autres, des outils de travail.

«Ce qui est intéressant, les gens achètent des œuvres faites avec des matériels qu’ils avaient jetés. L’assemblage des débris est fait pour les réutiliser, les transformer en objets précieux et avoir un environnement sain et propre. Avec nous, leur débris devient utiles», a fait savoir André Eugène, le vieux aux cheveux blancs.

Une exposition internationale à Port-au-Prince

Organisé par le collectif d’artistes Atis Rezistans, le Ghetto biennale est un festival d’arts interculturels qui se tient dans deux quartiers informels adjacents à Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, appelés Lakou Cheri «la cour Chéri» et Ghetto Leanne. Il a lieu tous les deux an depuis décembre 2009.

«L’idée de l’événement a commencé quand moi et d’autres artistes n’avons pas pu obtenir de visas américains pour une exposition en Floride, à laquelle nous avions été invités à exposer», mentionne André Eugène.

La sixième édition de cette grande manifestation culturelle s’est déroulée du samedi 14 au vendredi 20 décembre 2019, à Port-au-Prince. C’était une opportunité pour des artistes haïtiens et étrangers de mettre en exergue leurs performances artistiques, dit-il. « Révolution haïtienne » tel a été le thème retenu pour cette édition.

Le plasticien Jean Robert Alexis est l’un des exposants de la sixième édition  du Ghetto biennale. Il a exposé son œuvre diptyque intitulée « Sacrifice du Calvaire». Selon lui, le thème invite à penser sur l’incidence de la Révolution haïtienne, trop souvent minorée, sur la construction de l’imaginaire national.

Quarante ans plus tard, Atis Rezistans reste une plateforme de rassemblement à Haïti, une opportunité de montrer le travail des artistes haïtiens et de le confronter à celui des autres. C’est un outil de survie où les énergies s’unissent dans un même objectif.

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