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«Never Rarely Sometimes Always»: se réapproprier son corps

«Never Rarely Sometimes Always»: se réaproprier son corps
«Never Rarely Sometimes Always» révèle le talent de la jeune actrice Sidney Flanigan Photo: Collaboration spéciale

La sortie de Never Rarely Sometimes Always d’Eliza Hittman n’aurait pu tomber à un meilleur moment pour éblouir les cinéphiles confinés chez eux et leur rappeler que les combats menés ne sont jamais gagnés.

Ce film sur une adolescente de 17 ans (magnifique Sidney Flanigan dans son premier rôle à l’écran) qui part à New York pour se faire avorter devait prendre l’affiche à la fin mars, avant d’être offert en vidéo sur demande pour cause de pandémie mondiale. Mais cette fiction inspirée d’un fait divers survenu en Irlande aurait également pu sortir il y a plusieurs années.

«Quand j’ai approché des producteurs, Obama était président et ils n’en voyaient pas la pertinence, se souvient Eliza Hittman en entrevue. Ils n’envisageaient pas le difficile accès à l’avortement qui a lieu aujourd’hui.»

«J’ai toujours voulu créer une odyssée qui serait à la fois poétique, émotionnelle et politique.» Eliza Hittman, réalisatrice

Ce sujet déjà traité au septième art par le drame (4 mois, 3 semaines, 2 jours) et la comédie (Obvious Child) demeure pourtant criant d’actualité, surtout à une époque où les progrès d’hier s’amenuisent comme peau de chagrin.

«On le voit particulièrement en ces temps de crise, rappelle la cinéaste américaine, qui propose ici son troisième long métrage. Quelques États considèrent l’avortement comme une intervention non essentielle et empêchent les cliniques de le pratiquer.»

Never Rarely Sometimes Always, qui a été récompensé à Berlin et à Sundance, n’est pas qu’une œuvre sur l’avortement. L’ombre de la société patriarcale y plane comme une épée de Damoclès, prenant la forme d’hommes qui cherchent à humilier et contrôler le corps de l’héroïne et de sa cousine.

«C’était important pour moi d’explorer cet environnement néfaste qui surplombe les femmes, cette toxicité masculine omniprésente», explique celle qui s’est fait connaître avec son précédent opus Beach Rats.

Une de ces figures potentiellement inquiétantes est jouée par l’acteur québécois Théodore Pellerin, qui prête ses traits à un énigmatique inconnu rencontré dans un autobus.

«Son audition était formidable, se remémore la réalisatrice. C’est un jeune acteur vraiment intrigant, capable d’être à la fois charismatique et terrifiant.»

Face à ces menaces incessantes, Eliza Hittman opte pour la solidarité féminine, s’entourant de femmes inspirantes – dont Hélène Louvart à la photographie, Julia Holter à la musique et la chanteuse Sharon van Etten qui incarne la mère de la protagoniste – afin de créer un voyage qui prend la forme d’un suspense psychologique.

Le récit de style clinique a beau être âpre et brut dans sa mise en scène, avec ses longs plans déchirants et sa caméra qui colle à la peau du personnage principal, son traitement ne manque jamais de douceur, de sensibilité, d’empathie et d’humanité, évitant le pathos d’usage.

«C’était le défi d’aller de l’un à l’autre, concède sa créatrice. D’être au plus près du documentaire et soudainement de faire éclater le point de vue personnel et subjectif de l’héroïne, sa réalité qui nous concerne tous.»


Never Rarely Sometimes Always

Disponible en vidéo sur demande sur Apple TV, Google Play et la boutique Cineplex

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