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«Les Intouchables»: derrière les portes closes de la LNH

Marie-Claude Savard et l'ex-joueur du Canadien de Montréal Andrew Shaw
Marie-Claude Savard et l'ex-joueur du Canadien de Montréal Andrew Shaw dans un épisode de la série Les intouchables. Photo: Radio-Canada

Avec la série documentaire Les Intouchables, l’animatrice et journaliste Marie-Claude Savard a bien l’intention d’éclairer les zones d’ombre du milieu très fermé du hockey professionnel.

Celle qui a passé 15 ans à couvrir le sport professionnel à Radio-Canada et TVA pèse ses mots lorsqu’elle parle du contrôle de l’information dans l’univers de la Ligue nationale de hockey (LNH).

«C’est comme la mafia, il y a une omertà. J’arrivais avec les contacts que je m’étais forgés pendant une quinzaine d’années et avec une réputation, mais la porte était barrée. Plus que barrée, ça prenait un code et une crowbar!» illustre-t-elle.

Et avec des sujets comme la drogue, l’argent, l’homosexualité ou les relations avec les femmes, il était bien évident qu’on n’allait pas lui dérouler le tapis rouge.

Impunité

À coup de crowbar (presque) et surtout d’entrevues, Les intouchables tente de démonter cette culture de silence et surtout l’impunité dans laquelle baignent les joueurs de la Ligue nationale de hockey (LNH).

Par exemple, le premier épisode consacré à la question de l’homosexualité dans le sport tente de répondre à la question suivante: en 100 ans d’histoire, pourquoi aucun hockeyeur n’a encore osé faire son coming out?

Un autre veut répondre au dilemme suivant: si la Ligue nationale se vante d’avoir les meilleures politiques antidopage, pourquoi n’y a-t-il à peu près jamais d’athlètes pris sur le fait?

Les réponses ne sont jamais simples, mais le pouvoir économique du circuit Bettman explique beaucoup de choses selon Marie-Claude Savard.

«Ce ne sont pas des élus, des gens qui sont redevables. Ce sont des entreprises privées. Ils ont droit de faire à peu près ce qu’ils veulent», explique l’animatrice qui a commencé à imaginer cette série documentaire en 2005.

«Là où il y a confusion, c’est que ce sont quand même des citoyens corporatifs qui demandent des allégements fiscaux, qui font partie de notre société, qui génèrent des modèles et un contenu très consommé. Et qui n’ont absolument pas de compte à rendre.»

«Le monde et la société évoluent. La vérité éclate au grand jour. On est dans la recherche de vérité, de justice, de transparence. Le sport professionnel est complètement à l’opposé de ça.» -Marie-Claude Savard

Un monde à part

Les Intouchables le souligne à plusieurs reprises: le hockey est dans une case à part parmi les grandes ligues sportives nord-américaines comme la NBA ou la NFL. Alors que les mentalités évoluent, la LNH semble parfois figée dans le temps.

«C’est encore un sport de gars blancs de la classe moyenne. Les dirigeants aussi sont issus de cette classe-là. La diversité reste encore l’exception. Ça demeure un sport anglo-saxon, traditionnel et très conservateur», avance Marie-Claude Savard.

«Ça ne sert à rien de nous faire croire que les modèles sont parfaits. C’est correct d’avoir des modèles imparfaits et vulnérables. Il faut changer cette culture, sinon il va y avoir une trop grande différence entre la réalité qu’on vit collectivement et celle du sport professionnel. On met de côté toutes les belles histoires en voulant protéger les moins belles. Ils sont perdants là-dedans, tout comme le public et les athlètes.»

La journaliste va même jusqu’à qualifier de «toxique» cette culture du secret.

«Tout le monde est un peu pogné là et personne ne peut s’en sortir. C’est très difficile d’être soi-même ou d’aller chercher de l’aide dans sa situation actuelle. Les athlètes sentent qu’ils sont pris dans cet engrenage. Il n’ont pas d’air, pas d’espace.»

Travail de longue haleine

Marie-Claude Savard avait cette série en tête depuis presque 15 ans. Après avoir essuyé quelque refus des grandes chaînes, c’est lorsqu’elle a quitté complètement la couverture sportive quotidienne qu’elle a pu mener à bien ce projet.

«C’est bien compliqué pour des réseaux qui sont en relation économique avec le sport professionnel de se lancer dans quelque chose comme ça. Tout le monde voulait le contenu, mais c’était trop compliqué à dealer», explique Marie-Claude Savard, qui est aussi animatrice sur les ondes d’Énergie.

Le tournage non plus n’a pas été de tout repos.

Pour utiliser une métaphore sportive, l’équipe des Intouchables a dû travailler fort dans les coins pour convaincre ses intervenants de témoigner à visage découvert.  Et ce n’est que du bout des lèvres que des instances comme l’Association des joueurs ou la direction de la LNH ont accepté de parler.

«C’est souvent la stratégie du sport professionnel. Si on te met suffisamment de bâtons dans les roues, tu vas te décourager, illustre Marie-Claude Savard. Ils sont bons en défensive!»

Et pourtant l’animatrice a persévéré. Et elle n’en est pas peu fière. «Durant mes 15 ans dans le monde du sport, j’avais parfois le goût de hurler! Ça me brûlait, j’avais juste le goût d’aller poser mes questions», dit-elle.

«Le sport, c’est beaucoup fait de couvertes rapides. Prendre un peu de recul et faire une démarche comme celle, ce n’est pas un luxe qu’on a souvent. Je suis contente d’être allée jusqu’au bout et d’avoir éclairé les zones d’ombre de ce milieu. Les quatre épisodes vont rester et vont servir.»

Les Intouchables

Les jeudi 20h sur ICI Télé, du 13 août au 3 septembre

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