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«Quitter l’Afghanistan»: le début de la fin

Quitter l’Afghanistan
Le film «Quitter l’Afghanistan» prend l'affiche le 4 septembre. Photo: K Films Amérique

Le cinéaste Pavel Lounguine met en lumière une page d’histoire douloureuse de la Russie dans Quitter l’Afghanistan. Dans ce film de guerre bourré d’action, il revient sur un moment charnière du XXe siècle dont la société russe actuelle porte encore les traces.

1988. Après une décennie de guerre sanglante, les troupes soviétiques préparent leur retrait de l’Afghanistan.

Censés apporter «le progrès et la justice» dans ce pays d’Asie centrale, les soldats de l’Armée rouge retournent chez eux la tête basse.

Après avoir perdu des dizaines de milliers de frères d’armes, ils laissent le pays aux mains des insaisissables moudjahidines qui les ont combattus sans répit depuis leur entrée en Afghanistan huit ans plus tôt.

La société soviétique qu’ils retrouveront à leur retour n’aura plus grand-chose à voir avec celle qu’ils ont quitté. Sous le poids de son inertie, le régime communiste s’apprête à s’effondrer. Bientôt, ce sera la chute du mur de Berlin, l’ouverture des frontières, l’éclatement de l’URSS et la fin de l’idéal socialiste.

C’est dans cette atmosphère de fin de siècle que Pavel Lounguine, primé à Cannes en 1990 pour Taxi Blues, a choisi de camper son dernier film.

Inspiré de faits réels, il met en scène un groupe de soldats qui doivent négocier la retraite d’une division à travers les dangereuses montagnes afghanes tout en retrouvant un pilote, fils d’un haut gradé, tombé aux mains de l’ennemi.

Des militaires parfois brutaux, parfois sensibles, qui traficotent avec l’ennemi, magasinent des chaines stéréo au marché de Mazar-e Charif et croisent les doigts pour rester en vie jusqu’à la fin des hostilités.

«Parce qu’il y a trente ans qui se sont écoulés, je peux montrer qu’il n’y a pas de vrais méchants, ou de vrais bons. En réalité, c’était une situation où tout le monde tentait de s’en sortir comme il pouvait. Ces soldats n’étaient pas vraiment coupables, ils essayaient seulement de survivre», plaide le réalisateur né à Moscou en 1949.

«Je voulais également poser la question : qu’est-ce que la défaite?. C’est facile d’arriver en hurlant et de tuer tout le monde, mais qu’est-ce que tu fais après?»

La fin d’un monde

Âgé d’une trentaine d’années au début des hostilités, Pavel Lounguine a vécu de l’intérieur le désenchantement de la population soviétique face à la guerre en Afghanistan.

«La guerre a duré 10 ans et pendant 10 ans, sa perception a beaucoup changé. On découvrait que ce n’était pas une guerre qui apportait quelque chose de bien pour le peuple afghan. On n’avait rien à défendre là-bas en réalité. Peu à peu, le sentiment d’une guerre absurde et qui ne peut aboutir à rien s’est imposé.»

Les parallèles avec la guerre du Vietnam sont nombreux : un conflit mené dans un pays étranger pour soutenir un régime ami qui se termine en humiliation pour une superpuissance.

À la différence de leurs collègues américaines, les cinéastes russes ont toutefois été très rares à aborder cette sombre page d’histoire à l’écran.

«On a très peu discuté de cette guerre. Elle n’est pas pensée, elle n’est pas réfléchie, elle n’est pas guérie. Comme si elle était sombré dans l’oubli, mais en même temps elle existe toujours dans notre inconscient, comme quelque chose qui n’est pas guéri.»  – Pavel Lounguine, réalisateur de Quitter l’Afghanistan

Encore aujourd’hui dans la Russie de Vladimir Poutine, il est difficile de questionner l’engagement soviétique en Afghanistan.

Pavel Lounguine lui-même l’a appris à ses dépens. Lors de la sortie du film en Russie, des associations de vétérans ont vertement demandé son retrait, invoquant son caractère «anti-patriotique et anti-militariste».

Son crime? Avoir montrer à l’écran des soldats qui jurent, qui boivent, qui se battent, bref qui se comportent comme des soldats, mais surtout avoir illustré une retraite, pire une défaite.

«Ça montre à quel point, même aujourd’hui, la société russe est encore partagée. La moitié est encore tenue par l’idéologie soviétique alors que l’autre vie dans un autre monde», avance le réalisateur de 71 ans.

Des échos encore aujourd’hui

Cette longue guerre est justement associée étroitement à la chute de l’Union soviétique, qui a été suivie par une décennie de grande pauvreté pour le peuple russe.

«Tout cela s’est passé avec une grande vitesse. Le processus a commencé avec le retrait des troupes soviétiques et s’est terminé avec la chute du Mur de Berlin, rappelle Pavel Lounguine.

«Pour l’idéologie communiste, l’Afghanistan, c’était un coup dur.  Cette absence de victoire, cette retraite, cette guerre perdue…On a découvert qu’on avait plus de vérité pour nous protéger. On avait toujours l’idée que l’URSS amenait quelque chose comme le progrès pour les peuples, un futur meilleur, une justice. Finalement, on a découvert qu’on n’avait plus rien à proposer. Cette retraite, c’était la fin.»

Même si l’action se déroule il y a trente ans, Quitter l’Afghanistan dit quand même quelque chose sur la Russie d’aujourd’hui, croit son créateur.

«D’abord parce que la guerre est encore présente dans la société russe. On fait la guerre en Ukraine, on fait la guerre en Syrie. Cette idée de faire la guerre ailleurs ou chez nous, elle toujours là. Mais pourquoi fait-on la guerre? Pour protéger la vérité? Ou est-ce simplement la guerre pour la guerre? Ce sont des questions qui existent encore.»

Quitter l’Afghanistan prend l’affiche le 4 septembre

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