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Malgré le succès, «la super-héroïne reste une variation du super-héros»

Wonder Woman.
La star israélienne Gal Gadot, qui incarne Wonder Woman. Photo: Frazer Harrison/Getty Images

Wonder Woman, as du féminisme ? Malgré le succès du personnage, les super-héroïnes sont loin d’avoir accédé à la parité et leurs homologues masculins continuent de dominer le cinéma, explique Sophie Bonadè, spécialiste de ce pan de culture populaire et des questions de genre.

«Captain Marvel», «Wonder Woman»… Les super-héroïnes sont désormais à l’affiche de blockbusters. Quelque chose a changé ?

«Dans les années 2000, il y avait l’idée que les films sur les super-héroïnes ne se vendaient pas. Il y a eu des échecs cuisants, comme «Supergirl», «Catwoman» ou «Elektra». Mais plutôt que de se poser la question de savoir s’il n’y avait pas des problèmes (de qualité) dans ces films eux-mêmes, il y avait cette idée que (ce genre de films) ne se vendait pas. Depuis, le genre super-héroïque a été beaucoup exploré par le cinéma, et il a fallu se renouveler. DC Comics avait besoin de concurrencer Marvel. Dans la Justice League, il y a Batman, Superman et le troisième personnage principal c’est Wonder Woman. Il était logique qu’ils finissent aussi par l’adapter au cinéma. Le succès du premier Wonder Woman semble avoir surpris (ses producteurs). Il a aussi encouragé Marvel à lancer Captain Marvel (avec Brie Larson). Le succès a permis de changer les choses, et s’est ajoutée l’ambiance de l’époque, notamment aux États-Unis, où les paroles féministes se font entendre depuis les années 2010».

Ces succès ont-ils permis aux super-héroïnes de s’émanciper ?

«Le cinéma est visuel, donc on a besoin de scènes de combat. Dans ces films, on a des femmes qui combattent des hommes à l’écran. On le voit et on se dit, oui, les femmes peuvent se battre. Ca donne un imaginaire de femmes d’action, c’est important.
Cependant, les super-héroïnes souffrent toujours d’un certain nombre de stéréotypes: la sur-sexualisation, le fait d’être toujours mises dans des relations amoureuses… Elles restent souvent cantonnées à des rôles secondaires, ou ce sont des personnages rajoutés, pas les premiers auxquels on pense. La super-héroïne reste une variation du super-héros.
En multipliant les films, on finira par voir moins de stéréotypes. Ce serait intéressant de voir des femmes qui n’ont pas le même âge ou qui viennent d’autres origines. Pour l’instant, c’est Brie Larson (Captain Marvel) ou Gal Gadot (Wonder Woman), des femmes blanches dans la trentaine, en parfaite santé physique. Alors que chez les hommes, les âges sont plus variés et on commence à avoir de la diversité».

Une réalisatrice, Patty Jenkins, signe Wonder Woman… Ca aussi, ça change la donne ?
«Dans les films de superhéros, la marge de manoeuvre des réalisateurs est réduite. Mais si on l’a embauchée, c’est quand même qu’on veut qu’elle apporte quelque chose. Et ça permet aussi à une femme d’avoir un énorme budget entre les mains, c’est important parce que c’est rare.
En partie, il s’agit de marketing, il faut le dire, mais en même temps, plus on a des représentations variées pour un imaginaire, mieux c’est.
Par contre, ce ne sera pas dans les blockbusters de cinéma que l’on va représenter des super-héroïnes homosexuelles ou bisexuelles par exemple, mais plutôt à la télé ou dans les comics. Ces derniers ne visent pas le plus large public, mais un public qui vient pour voir des personnages différents, des super-héroïnes représentatives.
On peut par ailleurs trouver des comics avec des super-héroïnes droguées, alcooliques, et ce n’est pas tout à fait ce qui ira en premier lieu au cinéma».

Propos recueillis par François BECKER

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