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Roberto Saviano: «Chercher la vérité est une obsession»

Roberto Saviano: «Chercher la vérité est une obsession»
L'écrivain et journaliste italien Roberto Saviano s'est associé avec Audible pour son premier documentaire audio, «Main basse sur le monde». Photo: Vittorio Zunino Celotto/Getty Images

Quinze ans après la publication de Gomorra, Roberto Saviano se penche à nouveau sur le crime organisé dans Main basse sur le monde. Un premier livre audio pour l’écrivain et journaliste italien, qui a été condamné à mort par la Mafia. Rencontre.

On le connaît surtout pour son portrait sans concession de la Camorra, la mafia napolitaine. Après avoir vendu des millions d’exemplaires de Gomorra, Roberto Saviano revient en force avec Main basse sur le monde . Un premier documentaire audio dans lequel l’écrivain de 41 ans nous entraîne dans les coulisses du crime organisé dans le monde. Dans cette nouvelle enquête, les vies des grands patrons de la pègre se mêlent à celles de personnes comme Daphne Caruana Galizia et Marisol Macías Castañeda qui ont eu le courage de s’opposer à la criminalité, au péril de leur vie.

Roberto Saviano en fait partie, bien qu’il ne se décrit pas comme tel dans Main basse sur le monde. Condamné à mort par la Camorra après la publication de Gomorra, il vit désormais sous escorte policière permanente. «À force d’affronter le mal, il finit par nous transformer. Au départ, on est animé par une volonté de lutter pour la justice et la vérité. Mais on finit totalement intoxiqués, contaminés par le mal. Si je devais m’adresser au Roberto qui a écrit Gomorra il y a quinze ans, je lui dirais de ne pas se lancer là-dedans. Et aussi d’être plus prudent», confie Roberto Saviano à ETX Studio.

Entre similitudes et différences

S’il lui est arrivé de se sentir abattu au cours de cette décennie «en quarantaine», l’auteur a surtout acquis une véritable expertise du crime organisé. A tel point que beaucoup le voient comme «Monsieur Mafia». « Les mafias italiennes sont les plus anciennes au monde. Quand on s’y intéresse, on finit par connaître les clés d’autres organisations criminelles en France, en Allemagne, mais aussi en Amérique du Sud. Les gens m’interrogent toujours sur celles de leur propre pays parce que j’ai acquis une certaine connaissance de ces organisations », souligne-t-il.
Cette compréhension approfondie de la criminalité transparaît dans Main basse sur le monde, où Roberto Saviano emmène les auditeurs loin de son Naples natal. Salvador, Malte, Russie… Cette enquête audio met en lumière les mécanismes qui permettent aux clans mafieux d’exercer leur influence aux quatre coins du globe. «Il existe de nombreuses différences entre toutes les organisations criminelles qui existent dans le monde, mais aussi plusieurs similitudes. Par exemple, celles en Amérique du Sud et en Europe n’entretiennent pas la même relation avec la police et l’armée», explique Roberto Saviano. «La corruption est beaucoup plus répandue au Mexique et au Brésil qu’en France ou en Italie. Mais les organisations criminelles de tous ces pays ont des structures hiérarchiques très similaires».

Une «obsession» pour la vérité

Au fil des années, l’intellectuel italien s’est transformé en détracteur de tous les extrémismes. Dans sa ligne de mire : les populistes du Mouvement 5 étoiles et la Ligue de Matteo Salvini. A travers son dernier ouvrage, En mer, pas de taxis (paru en mai dernier chez Gallimard), il tente de rétablir la vérité sur la participation, en 2017, de navires humanitaires à des opérations de sauvetage dans le canal de Sicile. À l’époque, le chef politique du Mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio, évoque les possibles liens qu’entretiennent les réseaux criminels avec certaines organisations d’aide aux migrants. Des soupçons infondés qui ont conduit à l’ouverture par le procureur de Catane, Carmelo Zuccaro, d’une enquête.

«Je suis animé par la recherche de la vérité. C’est la ligne directrice de tout ce que j’entreprends. Dans mon dernier livre, je me suis intéressé aux mensonges que les gouvernements et les forces politiques populistes ont véhiculés sur les ONG opérant en Méditerranée. Ils les décrivent comme des ‘taxis de la mer’ comme si elles étaient complices des trafiquants d’être humains. Elles ne le sont pas ! Cela fait des années que je voulais faire cet ouvrage dans l’espoir de faire changer les choses», affirme Roberto Saviano.

Une quête qui prend des allures d’ «obsession», selon les propres mots de l’essayiste. Mais, à 41 ans, Roberto Saviano semble avoir fait la paix avec ce besoin de combattre le mal dans toutes ces formes. «Chercher la vérité est une obsession. Ça part peut-être d’une idée romantique qu’il doit y avoir une justice. Pourtant le bien et le mal sont liés : l’un ne peut pas exister sans l’autre».

Main basse sur le monde : Au coeur du crime organisé, documentaire audio de 8 heures et 35 minutes, est disponible sur Audible.

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