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Tranna Wintour: une étoile est née 

Tranna Wintour a fait un véritable tabac à la téléréalité québécoise Big Brother Célébrités.
Tranna Wintour Photo: Sam Blake
Alex Viens - Collaboration spéciale 

Ce dimanche, au terme d’un parcours exaltant, Tranna Wintour a quitté la maison de Big Brother Célébrités dans la plus grande éloquence, en nous offrant ce qui est sans contredit l’un des meilleurs moments de télévision québécoise des dernières années.  

Cette reine de la scène anglophone aux racines ancrées dans la culture underground, une artiste que rien ne prédestinait à investir le star-système québécois, est vite devenue la «découverte de l’année» d’un public aussi nombreux que diversifié à une heure de grande écoute. Et si Tranna récolte aujourd’hui une vague d’amour généralisée, c’est précisément parce qu’elle a décidé qu’elle ne ferait de compromis pour personne.  

À la conquête du grand public 

«C’était impossible pour moi [de penser] “conquérir le public”, de prouver que le grand public peut tomber en amour avec une personne trans. Je n’avais pas cette mission-là, mais je l’ai quand même prouvé», a souligné Tranna lors de notre entretien.  

On l’entend souvent: s’il y a peu de diversité à l’écran, c’est parce que le public n’est pas prêt. Dans les médias, au travail ou dans leur vie personnelle, les personnes queers connaissent trop bien le sentiment d’avoir à se diminuer pour ne pas heurter la sensibilité des gens qui ne feront que tolérer leur différence.  

Voir monsieur ou madame Tout-le-Monde célébrer Tranna sur les réseaux sociaux avait donc quelque chose d’une révélation, parce que c’est en lui donnant le temps et l’espace de montrer qui elle est, dans toute sa complexité, que le public a eu l’occasion de tomber sous son charme.  

«Quand les personnes au pouvoir présument que le grand public ne va pas comprendre une telle chose, c’est un cercle vicieux. En prenant cette décision-là, le grand public ne le voit pas, alors ils n’ont même pas la chance de le découvrir. Mais on voit bien que quand la chance nous est donnée, l’ouverture est là!», plaide-t-elle.  

Tranna Wintour a fait un véritable tabac à la téléréalité québécoise Big Brother Célébrités.
Photo : Sam Blake

Prendre sa place 

Dans un moment de télévision désormais viral, Tranna s’est assurée que son identité ne soit jamais remise en question: «Peu importe mon apparence, je suis moi-même et c’est tout. Mes pronoms sont “elle” et je ne veux pas être mégenrée dans ma maison.» 

Cette déclaration a soulagé un grand nombre de personnes trans, qui se sentent aussi contraintes de performer leur genre en tout temps afin qu’on respecte leur identité: maquillage, perruques, épilation, binder ou packing, des choses qui prennent beaucoup de temps, d’argent et d’énergie à maintenir quotidiennement. Sans parler du fait que les films et la télévision nourrissent depuis longtemps l’idée qu’une personne trans est une version «incomplète» d’elle-même si elle n’a pas recours à la chirurgie.  

«Le parcours de chaque personne trans est tellement différent; il n’y a pas une façon d’être trans, fait valoir Tranna. C’est pour ça que j’avais peur de faire Big Brother, parce que je sais que je ne fit pas dans l’idéal féminin et que je ne fit pas dans l’idéal trans non plus. […] Les standards de beauté pour les femmes cisgenres ou trans sont tellement dangereux et violents, et c’est limitant pour TOUT LE MONDE. Pour moi, l’expression de ma féminité est une joie et je ne veux pas que ce soit relié à une obligation.» 

La présence de Tranna à Big Brother et le respect immuable de ses cocélébrités ont eu quelque chose de réparateur: plutôt que de créer de nouveaux standards, cela nous donnait enfin la permission de nous en libérer à notre tour. 

Qui se ressemble s’assemble 

Le double tranchant de la représentation à l’écran, c’est qu’il ne semble y avoir de la place que pour une seule personne de la diversité. Son amitié avec PL Cloutier, notamment, a rappelé à quel point il était important pour les personnes queers de trouver un répit entre elles, un sentiment de communauté qui fait défaut malgré toutes les bonnes intentions des gens cis-hétéros qui les entourent.  

«Pour moi, PL était un point de repère. Quand il est sorti de la maison, c’était un moment vraiment difficile pour moi, parce que même si tout allait bien et que j’étais respectée et aimée par mes cocélébrités, il y a eu un impact psychologique dans le fait que j’étais devenue la seule personne queer après son départ. […] Je ne peux pas parler pour lui, mais je sais qu’Eddy [King] a eu un peu la même expérience, étant la seule personne racisée dans la maison pour un bout, parce que Karl [Walcott] est sorti à la 3e semaine. Alors Eddy aussi a perdu son point de repère niveau communauté très tôt dans la game, et ça c’est vraiment pas facile.»  

Les téléréalités en font parfaitement la démonstration: des connexions rassurantes se créent rapidement chez les gens qui partagent un vécu, des références et un humour communs. Citant Lysanne Richard, Tranna explique qu’on a pu constater ce phénomène avec l’alliance des «Cool Kids», des gens d’une même génération connectés par des expériences de vie similaires. Cette capacité à se regrouper instinctivement est un avantage précieux dans un jeu comme Big Brother Célébrités. C’est aussi un désavantage pour les personnes de la diversité culturelle, corporelle et sexuelle, souvent privées d’allié.e.s naturel.le.s par un choix de casting.  

Tranna s’est néanmoins démarquée comme une joueuse redoutable qui a déjoué tous les pronostics, une fervente féministe qui a défendu loyalement une alliance girl power jusqu’à son élimination crève-cœur.  

Ce n’était qu’un rêve 

Devant une telle consécration télévisuelle, le meilleur est à venir pour Tranna Wintour. Une des plus belles choses que lui a apportées Big Brother, confie-t-elle, c’est la liberté de n’accepter que les projets qui l’allument réellement.  

Elle rêve notamment de créer un one-woman-show en anglais et en français qu’elle pourrait présenter en tournée, à l’instar des divas qui l’inspirent. Une tournée permettrait également de faire revivre ses spectacles devenus cultes qui n’ont pu être présentés qu’à deux ou trois reprises sur les scènes montréalaises.  

Ceux et celles qui ont eu le plaisir d’écouter le podcast Chosen Family, qu’elle coanimait avec l’excellent Thomas Leblanc, savent également que Tranna est une intervieweuse au talent immense et dont l’éloquence n’est plus à démontrer.  

«Mon rêve le plus fou, depuis mon enfance, c’est d’avoir mon talk-show», ajoute-t-elle. 

Il semble que les étoiles soient bien alignées. 

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