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Se défouler au Jamais Lu 

Gabrielle Lessard, qui fait partie de la cellule artistique du festival cette année, présente le concept des Chambres de défoulement. Photo: Image tirée d'une vidéo, courtoisie Jamais Lu

Pour sa 22e édition, le festival du Jamais Lu invite à la catharsis. Sa traditionnelle série de performances gratuites proposée en formule 6 à 7 s’inspire cette fois des chambres de défoulement, ces pièces où l’on peut aller casser de la vaisselle ou donner des coups de crobar à de vieux ordinateurs.  

Le Jamais Lu se tenant cette année sous le thème de la Joie lucide, le concept est venu naturellement à la cellule que forme la directrice générale et artistique du festival, Marcelle Dubois, avec Jade Barshee et Gabrielle Lessard.  

«On s’est demandé ce qui nous amène aux joies lucides, et c’est cette notion-là. Le défoulement, c’est enlever ce motton en dedans de nous», analyse Marcelle en entrevue avec Métro.  

Cartes blanches 

Les six performances de la série sont des cartes blanches. Une seule contrainte est imposée à chaque auteur.trice. «Notre directive, c’est d’avoir un geste de défoulement auquel le public peut participer», indique Charlotte Gagné-Dumais, qui présentera Modeler ce dimanche au Théâtre aux Écuries.  

Ces «gestes de défoulement» sont gardés top secret, histoire de conserver la surprise. Mais pour imager l’idée, disons ça va d’actes plutôt frontaux, comme pourrait l’être s’arracher les cheveux ou fabriquer une poupée vaudou, à d’autres moins spectaculaires, comme dénouer un nœud. Rassurez-vous, il n’y a pas de méditation transcendantale ou de respiration consciente; l’objectif est le défoulement, pas la détente! 

«Dans ce geste actif, je pense qu’il y a une transformation qui est souhaitée, avance Marcelle Dubois. Le pouvoir de l’auteur, c’est de prendre des sujets qui peuvent paraître personnels, mais qui sont très universels, et de les mettre dans une forme qui nous permet de se les approprier.» 

Les codirectrices artistique Gabrielle Lessard et Jade Barshee présentent le concept des Chambres de défoulement au Festival du Jamais Lu.

Passer ses idoles au tordeur 

Les sujets – la violence familiale, l’image corporelle, l’héritage des aîné.e.s, le regard des autres, donner un nouveau sens à l’avenir – ne sont effectivement pas liés uniquement à leur auteur.trice. 

Ainsi, on peut assez facilement se reconnaître dans la proposition de Charlotte Gagné-Dumais, qui aborde la déception (mais aussi, la «colère, la confusion, la culpabilité») que l’on peut ressentir face à ses modèles, entre autres depuis le début du mouvement Me Too.  

«Il y a une trâlée d’émotions qui vient être secouée quand on a un attachement à quelqu’un qui a été dénoncé pour des gestes horribles. Qu’est-ce qu’on fait avec ça? Est-ce qu’on sépare l’artiste de l’œuvre? On n’a pas de mode d’emploi!», questionne Charlotte Gagné-Dumais, qui a entre autres cofondé la compagnie de création féministe le Théâtre des Trompes. 

Dans Modeler, Charlotte Gagné-Dumais amène son propos à travers trois figures qui ont des niveaux relationnels différents: il y a l’idole, le professeur et le collègue. Jouant avec la forme d’une conférence, présentation Power Point à l’appui, elle combine témoignage, lettre et poèmes. 

Jouer avec la forme 

Mais les Chambres de défoulement peuvent prendre toutes sortes de chemins. «Il y a des auteurs qui ont fait des entrevues et qui sont dans une démarche un peu de docu-fiction», partage Marcelle Dubois comme exemple.  

Les Parfaites, collectif formé de sept femmes issues de la précarité qui se sont regroupées pour «s’empuissancer au travers l’art», feront ce soir une performance qui sera incluse dans un documentaire qu’elles tournent en ce moment. 

Avec Surtout ne pas déchirer sa chemise, présenté mercredi, Annick Lefebvre est «dans une écriture plus formelle». Lesly Velasquez, qui offrira Casa Chica vendredi, «cherche à illustrer son propos par la transposition avec des objets» mêlant texte et symbolisme. Break a legs de Nicolas Gendron (mardi) et Ouvert à toute diversité corporelle de Vincent Millard (jeudi) complètent la série.  

Si la forme change, l’essence reste le défoulement. «J’aimais la liberté de pouvoir parler d’un sujet court, qui peut aussi exister hors narration. Je peux m’installer devant des gens qui n’ont pas le choix de m’écouter gueuler sur quelque chose pendant 45 minutes», rigole Charlotte Gagné-Dumais. 

«On fait le tour de beaucoup de préoccupations qui sont dans l’air du temps, estime Marcelle Dubois. On va avoir des façons sensibles d’entrer dans chacun de ces sujets, au travers des artistes, pour se débarrasser un peu de ces questions qui peuvent être lourdes et angoissantes. Quand on est plusieurs à se les poser, ça fait son chemin différemment en nous.» 

Le Jamais Lu, qui a été lancé vendredi soir avec Tiohtià:ké: cartographie de récits autochtones, se déroule au Théâtre aux Écuries jusqu’au 13 mai.  

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