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Caroline Monnet, nouvelle Compagne des arts et des lettres du Québec

L’artiste multidisciplinaire, photographe et cinéaste Caroline Monnet compte parmi les 13 personnalités majeures de la scène culturelle québécoise qui ont été faites cette année membres de l’Ordre des arts et des lettres du Québec. Photo: Max Richard Tremblay

Treize personnalités majeures de la scène culturelle québécoise ont été faites membres de l’Ordre des arts et des lettres du Québec lundi soir. Le titre est décerné par le Conseil afin de souligner leur contribution remarquable au milieu artistique. 

Cette année, Richard Séguin, René Richard Cyr, Paule Baillargeon, Lucie Boissinot, Shana Carroll, Louis Dallaire, Michèle Lapointe, Ranee Lee, Jacques Matte, Caroline Monnet, Guy Parent, Jocelyn Robert et Larry Tremblay ont reçu le prestigieux titre de Compagne ou Compagnon des arts et des lettres du Québec, grossissant ainsi les rangs des 138 personnalités québécoises qui portaient l’insigne jusqu’à présent. 

Métro a profité de cette célébration pour s’entretenir avec l’artiste multidisciplinaire, photographe et cinéaste derrière Bootlegger Caroline Monnet, dont les origines anichinabées s’inscrivent intrinsèquement dans son œuvre. 

Que représente pour vous ce titre? 

C’est une belle reconnaissance de mon travail et de mon implication dans le milieu culturel québécois. Mais je ne m’y attendais pas du tout. C’est un peu inespéré, parce que j’ai l’impression qu’on offre ce genre de reconnaissance à des gens qui ont accompli de grandes choses, qui ont une longue carrière. C’est une belle valorisation de mon travail et de ce que j’essaie de faire à travers mes œuvres.  

Comment résumeriez-vous la mission de vos œuvres?  

Je dirais qu’à travers mes œuvres, j’essaie de décloisonner les communautés autochtones, les enjeux autochtones, de contribuer positivement à la société par l’art contemporain. J’essaie d’inspirer la prochaine génération à s’impliquer, à s’investir, à croire en ses rêves, que c’est possible de faire un métier qu’on aime et d’avoir une voix qui peut résonner.  

Jusqu’où remontent les arts en vous? 

Je pense que j’ai toujours voulu être artiste. Je ne viens pas d’une famille d’artistes. En grandissant, quand il fallait choisir un métier, ce n’est pas quelque chose que je pensais qu’on pouvait faire. À partir du moment où j’ai rencontré des artistes et que j’ai décidé de faire ça, c’est devenu un médium qui me permettait de prendre confiance en moi, de m’exprimer. Je me considère extrêmement chanceuse de faire un métier qui me passionne autant. Ça m’habite pleinement. Je suis capable de grandir professionnellement, mais aussi personnellement à travers les projets que je fais. 

À quoi rêvez-vous artistiquement? 

Je rêve de projets à l’international… et de plein d’affaires [rires]! Mon plus grand rêve, c’est de trouver une forme de liberté dans mes œuvres, dans l’expression artistique. J’ai envie d’une très grande liberté, de faire éclater ma pratique vers d’autres horizons.  

En guise d’allocution pour ce prix, que transmettriez-vous?  

Je ne peux pas être arrivée où je suis aujourd’hui sans l’aide et le soutien de toute une communauté. Je suis extrêmement bien entourée, et si je suis là, c’est que des gens ont cru en moi à mes tout, tout débuts. Je voudrais communiquer cette grande reconnaissance que j’ai pour eux, qui continuent de croire en mon travail, de croire que ma parole a un mérite. 

Si quelqu’un souhaitait s’initier à votre cinéma, par quelle œuvre lui suggéreriez-vous de commencer? 

Je lui suggérerais mon tout premier court métrage, Ikwé [2009], la toute première œuvre que j’ai faite à vie. Sinon, le court métrage Mobilize [2015] résume bien l’énergie que je veux mettre dans la représentation autochtone à l’écran. 

Esthétiquement, comment décririez-vous l’influence de vos racines anichinabées dans votre œuvre?  

Je pense qu’elles teintent chacune de mes œuvres. Elles sont toutes ancrées dans cette réalité, cette volonté d’affirmation identitaire, d’autodétermination, de guérison aussi. Elles sont très, très présentes, mes racines. C’est une volonté de dire qu’on est encore présents, les politiques d’assimilation n’ont pas fonctionné dans ma propre famille. C’est une façon de me réapproprier toute cette culture, de laquelle on m’a appris à avoir honte quand j’étais petite, une façon de me sentir complète. 

Caroline Monnet a fabriqué elle-même à l’aide de matériaux de construction tous les vêtements que les femmes portent sur cette photo, qui s’inspire du mouvement futuriste. « C’est cette idée de bâtir une société ensemble pour les prochaines générations », expose-t-elle.

Qu’est-ce qui a influencé les photos représentant des femmes dont les tenues allient éléments traditionnels autochtones et esthétique tantôt futuriste, tantôt rétro ou ancestrale? 

Elles font partie d’une longue série que j’ai amorcée en 2016 avec le court métrage Creatura Dada. Je voulais représenter les femmes autochtones dans toute leur splendeur, élégance, excentricité, extravagance, résilience et beautés colorées, et pas du tout comme des victimes. À chaque série, j’explore soit un mouvement artistique, soit un moment historique important : il y a eu le dadaïsme, la Renaissance, la crise d’Octobre et plus récemment le mouvement futuriste. Ce mouvement, c’est un peu se réapproprier ce futur autochtone qu’on nous a empêchés très longtemps de concevoir. Ces femmes que je photographie s’affranchissent du regard ethnocentrique colonial, paternaliste. Elles regardent directement la caméra; elles demandent d’être vues et entendues. 

Femmes d’octobre de Caroline Monnet, 2020

Vous avez mentionné le mot « élégance ». On croit comprendre en lisant des entrevues que ce mot vous tient à cœur. Comment résonne-t-il chez vous? 

Ça touche plusieurs facettes d’une personne ou d’une chose. Ça peut être un geste, de bien choisir ses mots, de ne pas trop en dire, juste assez. Se présenter avec élégance, c’est le faire avec humilité, mais présence. C’est un mot qui revient un peu comme un leitmotiv quand je fais les choses. C’est de trouver une certaine justesse dans ce qu’on fait. C’est presque une vérité, en fait, l’élégance. 

Quel.le.s artistes autochtones aimez-vous particulièrement? 

J’en aime beaucoup. En arts visuels ou médiatiques, il y a Nico Williams, à Montréal, et des Meky Ottawa ou Catherine Boivin dans la nouvelle génération. Il y a une grande diversité. En musique, Jeremy Dutcher est hallucinant.  

À quel.le artiste décerneriez-vous le titre que vous venez de recevoir et pourquoi?  

Il l’a probablement déjà, mais Dany Laferrière me touche [l’écrivain a en effet été nommé Compagnon en 2015]. Je lui remettrais pour son audace, sa manière de faire le pont entre sa culture [haïtienne] et celle du Québec. Pour son élégance aussi [rires].  

Une expo à New York à l’automne  

Caroline Monnet exposera de toutes nouvelles créations en septembre à New York. Conjuguant matériaux de construction et tissage, ces sculptures et œuvres murales s’inspirent de l’idée du chantier, que l’artiste a étendu à la coupe des arbres, explorant « cette relation entre la croissance économique au profit des arbres et des forêts ». Une exposition poignante en perspective. 

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