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Un peu de maturité svp

Judith Lussier

À Boston, un groupe d’hommes liés à l’extrême droite a réussi à se faire passer pour victime de discrimination après que la ville eut refusé de procéder à la levée d’un drapeau hétérosexuel. Et contre tout roulement des yeux, les organisateurs parviendront à faire approuver leur projet de défilé de fierté hétéro, parce que, techniquement, rien ne devrait empêcher un tel événement d’avoir lieu. C’est ça, la liberté d’expression.

J’ai déjà écrit une chronique sur la fierté hétéro, il y a trois ans. Essentiellement, je crois qu’il n’y a pas de fierté hétéro parce qu’il n’y a jamais eu de honte hétéro. Les hétérosexuel(le)s constituent la norme et ne font l’objet d’aucune oppression sur la base de leur orientation sexuelle. J’aimerais maintenant écrire une chronique sur la maturité dont je souhaite nous voir collectivement faire preuve.

La maturité collective est difficile à définir, mais son absence est manifeste. Il ne peut y avoir de demande pour une fierté hétéro sans fierté LGBTQ. Le concept même d’hétérosexualité a été mis en avant dans les années 1960 en opposition à la visibilité grandissante des communautés gaies et lesbiennes. En ce sens, la requête pour une célébration de la fierté hétéro ne peut que nous faire penser à l’intérêt qu’un enfant de cinq ans porterait soudainement au jouet qu’un ami est en train d’apprécier. Et dans ce cas, un ami qui n’aurait habituellement pas accès à ce jouet.

La requête pour une célébration de la fierté hétéro ne peut que nous faire penser à l’intérêt qu’un enfant de cinq ans porterait soudainement­ au jouet d’un ami.

Un enfant n’a pas la capacité d’évaluer les dynamiques de pouvoir ou de sonder les raisons profondes de son envie. C’est le rôle du parent de l’amener à faire preuve d’empathie et de générosité. Cependant, les adultes que nous sommes devraient être capables de distinguer ce qui relève de la justice de ce qui est plutôt de l’ordre de l’obstination enfantine.

Or, ce n’est pas parce qu’on reconnaît la souffrance et le parcours difficile d’un groupe qu’on est en train de retirer quoi que ce soit à ceux qui n’ont pas eu le malheur d’être marginalisés ou opprimés. Ce que suggère l’idée d’une fierté hétéro, et, dans une mesure similaire, les appels à un mois de l’histoire des Blancs ou à une journée de l’homme – qui existe par ailleurs: le 19 novembre –, c’est de rebraquer de manière passive-agressive les projecteurs sur des individus incapables d’accepter que tout ne tourne pas autour de leur réalité, et ce, même si la vie est faite le plus souvent pour les accommoder!

En tant qu’adultes matures, nous devrions pouvoir vivre les uns à côté des autres, constater nos différences sans que ça invalide quiconque, et viser le bien commun.
Maintenant, parlons de fierté. Il y a différents moyens à la disposition des hétéros pour cultiver leur fierté. Être un vecteur positif d’inclusion peut renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté. L’empathie, l’écoute et l’humilité sont des attitudes extrêmement gratifiantes. Être un allié de la diversité sexuelle et de genre, plutôt que de protéger jalousement ses privilèges. En somme: faire preuve de maturité.

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