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Mononcles vs Greta

Frédéric Bérard

Cette époque, nous le dirons jamais suffisamment, se veut parfaitement extraordinaire. Pas un jour ne se passe, en effet, sans une indicible surprise. Exemple spectaculaire, l’arrivée de Trump au pouvoir repousse inlassablement les limites du convenu et de l’acceptable, le tout dans un quasi-mutisme résigné.

Ici même au Québec, un chauffeur de taxi s’est vu poignarder la semaine dernière par un couple de «chu pas raciste, mais…». Son crime? Être Arabe.  

Le lendemain ou presque, une dame et sa fille se sont vues invectiver en pleine rue par un autre «chu pas raciste, mais…», lequel est même allé jusqu’à balancer à l’enfant de 4 ans, en pleurs: «demande à ta mère si je peux la fourrer». Édifiant à l’os. Ainsi, et même si la vidéo de l’agression (parce que c’est ce dont il s’agit) a été vue plus de 200 000 fois, on est bien loin du viral ou des scores des clips de Star Académie.

Simultanément à ceci, et toujours dans le rayon des «voyons donc, kessé ça, tab…?!?», semble s’être érigée une semi-mode chez certains chroniqueurs ou intellos de droite: varger à coups de deux par quatre sur Greta Thunberg, cette adolescente de 16 ans devenue égérie de sa génération et au-delà, en matière environnementale.

Son discours est pourtant senti, pesant et appuyé: «la science est claire et manifeste, on se dirige tout droit dans le mur. Faites quelques chose, et rapidement». Dans un été où le citoyen de juillet a pris des allures de poulet rôti, disons que le timing est parfait.

Encore plus lorsque l’on sait que la science est maintenant pratiquement unanime: nous arrivons, incessamment, au point de bascule. Celui qui, une fois franchi, rendra impossible la tendance inverse. En bref, que d’ici trente-quarante ans, et à moins d’un revirement spectaculaire, l’humanité sera foutue.

Mais bon, époque fascinante, disions-nous. Parce que plutôt que louer le fait qu’une jeune prenne le taureau par les cornes et se fasse le haut-parleur de la science, quelques mononc’ aux tribunes archi-puissantes, probablement dérangés dans leur fauteuil de boomers par l’évidence, ont choisi leur camp: attaquons la messagère. Le tout avec une tonne de condescendance, paternalisme et mysoginie.  

D’abord Michel Onfray lequel, manquant visiblement de contenu, tapoche la jeune suédoise à grands coups de marteau ad hominem:

«Greta #Thunberg« a le visage, l’âge, le sexe et le corps dun cyborg du troisième millénaire: son enveloppe est neutre. Elle est hélas ce vers quoi lHomme va». Un grand philosophe, pas de doute.

L’ineffable Christian Rioux en ajoute une couche.

«Depuis que le nom de la jeune fille a fait le tour du monde, nombreux sont ceux qui se demandent sil est justifié d’utiliser ainsi une enfant de 16 ans pour faire la propagande dune cause politique, fût-elle la meilleure du monde. Dautant plus que cette jeune fille est atteinte dune forme dautisme appelée syndrome d’Asperger. […] Le ressort de leur action a plus à voir avec l’émotion quavec la raison, avec la religion quavec la science.»

D’aucuns auraient envie de lui expliquer que c’est JUSTEMENT DE SCIENCE DONT IL S’AGIT, mais bon. Quand t’es assez clownesque pour faire un lien entre la chute du ketchup de région et le multiculturalisme, comme l’a fait récemment Rioux, probablement que l’explication constitue une perte de temps.

Jamais en reste, Richard Martineau se devait lui aussi de participer courageusement à la séance de «varge dedans»:

«Son message consiste à culpabiliser lOccident (jamais la Chine ou lInde,ça serait trop raciste) et à répéter que le monde tel quon le connaît disparaîtra si on ne change pas nos habitudes. Tout dans l’émotion. Aucune réflexion. Mais cest une jeune fille! Avec des tresses, comme Fifi Brindacier! Alors on lui pardonne tout. […]

Greta Thunberg, prophétesse de la nouvelle religion verte. Peuple, à genoux! Prosternez-vous devant la nouvelle sainte!»

De toute beauté. Vous manquez de contenu, les boys? Incapables de rivaliser d’arguments avec elle? Mal à l’égo? Jaloux? Quoiqu’il en soit, voilà où nous en sommes: jouer aux bullysde cour d’école afin de sortir du débat public l’un de nos seuls espoirs. C’est à se demander qui, ironiquement, a effectivement le moins de maturité.

Et pour paraphraser Falardeau: si vous êtes fatigués, les mononc’, allez vous coucher. Parce qu’entre vos discours passéistes, petits bourgeois et méprisants, et ceux empreints d’espoir d’une jeune tentant d’assurer le relais de la science, vous seriez surpris, voire déçus, du vote populaire.  Enfin, j’espère…

 

 

 

 

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