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J’ai le doua

Frédéric Bérard

En cinquième année du primaire, donc 11 ou 12 ans. La prof, bonne sœur défroquée, nous en fait baver au quart de tour. Régime militaire. Violence psychologique, pratiquement physique. Loi et ordre. Épiques engueulades à deux centimètres de nos faces pré-Covid à chaque mini-bêtise commise ou semi-accroc des consignes, insignifiantes ou bancales, imposées. Je refoule depuis, chaque jour de mon existence, une profonde aversion pour toute forme d’autorité du type, sinon d’autorité tout court. Bien joué, Madame Chose.

Or, un bon matin, la Schwarzkopf des pauvres entre finalement en classe, en retard, yeux bouffis et sanglots coincés dans le gorgotton. Que se passe-t-il, Madame? Temps d’attente.

– Il se passe que j’ai encore été arrêtée par la police.

La classe:

– Ohhhhh……

– Et vous savez pourquoi? Parce je refuse de porter ma ceinture de «sécurité», conclut-elle en mimant le dernier mot. 

Quidam:

– Ça fait plusieurs fois, madame?

– Oui, ça fait plusieurs fois. Et à chaque arrestation, je leur dis la même affaire: c’est pas à vous autres de décider si je vais la mettre ou non. J’haïs ça, cette ceinture-là, faque je la mets pas. Et c’est certainement pas vous autres qui allez me dire ce que je vais faire, ça, je vous le jure!!

Reprise des sanglots, faciès mauve de colère, effluve de postillons (tiens, tiens) jusqu’à plus soif. Transit, la classe réalise rapidement, connaissant le personnage, l’inutilité de poursuivre la convo. Des âmes charitables, autrement appelées lèche-culs, formulent leur vœux de compassion et d’empathie.

Pas moi. Efforts considérables afin de fermer ma gueule. Parce qu’est affiché devant nous un spectacle d’une rare ironie. Celui où une marâtre assumée, maîtresse de Stephen Harper dans une autre vie, étalait à l’ensemble des ti-culs présents la vacuité de sa rhétorique, ou convictions, légalistes. En gros, la-loua-c’est-la-loua-mais-j’ai-le-doua-de-pas-suive-la loua-mais-pas-toua.

***

Cette histoire m’est revenue à l’esprit le week-end dernier en visionnant, peut-être malgré moi, la virale vidéo du couple de beignes au Tim Horton. Bravant la directive (enfin) adoptée par la Santé publique sur le port du masque obligatoire, les Ghandi et Henry David Thoreau version St-Jérôme trouvèrent le moyen d’obtenir, enfin, les 15 minutes de gloire promises par Warhol. Parce que devant l’opiniâtreté de notre héros à obtenir roussettes au miel et roues de tracteur, sa rencontre avec le sergent Bigras et ses accolytes, évidemment dépêchés d’urgence sur place, ne pouvait qu’être épique. Et ce le fut.

– Faites vos affaires et m’a faire les miennes!! de s’exclamer le Martin Luther King de la tartelette.

– M’a te poivrer mon homme, m’a te poivrer! de rétorquer le constable-macho, mini-vaporisateur à saveur de cayenne en main.

S’ensuivit une empoignade d’une virilité rare, où trois braves représentants de la Loua eurent gain de cause sur notre apôtre de la désobéissance civile, sa partenaire de crime immortalisant la scène et assénant, pourquoi pas, quelques répliques racistes à une cliente médusée: «C’est à cause de vous autres [lire les nouères] ce qui arrive!» CQFD.

***

Question de degré peut-être, disons que l’ensemble ou presque des anti-masques me font penser, évidemment malgré eux, aux deux histoires qui précèdent. Parce qu’ils assujetissent leur respect des règles normatives en fonction de leur bonheur et confort persos.

Comme me le rappelait l’ami Maxence Charbonneau, hier, quand même ironique que certains de nos récalcitrants vociféraient, hier encore, contre quiconque invoquant l’inconstitutionnalité de la loi 21: si t’es pas content, ben retourne dans ton pays…

Tu sais la différence entre la loi 21 et la présente obligation du masque, cher Michel Chartrand de la gouttelette? Qu’on est certain qu’une des deux est absolument constitutionnelle.

Et non, je ne parle pas de 21. Parce le doua d’infecter les autres, voire de provoquer indirectement la mort, n’est pas encore prévu aux chartes des douas. Simple de même.

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