Le dîner de cons
Classique de chez classique, je crois avoir regardé le bijou de Francis Veber au moins deux cent millions de fois, sinon davantage. En intraveineuse, aussi. Au point où je pourrais vous sortir, même après quelques centaines de shooters, la nomenclature des citations du film-culte. J’exagère? Un tantinet, sans plus.
-C’est irrésistible d’inviter un malheureux pour se moquer d’lui toute la soirée?
-Mais c’est pas un malheureux, c’est un abruti! Y a pas de mal à se moquer à s’moquer des abrutis, ils sont là pour ça, non?
[…]
-Vous êtes bien chez François Pignon
Mais il n’est pas là pour l’instant
Laissez un message après l’bip
Il vous rappellera, nom d’une pipe
Ri-ri-ri…c’est à vous de parler!
[…]
-Ça y est, on a les droits! Et pour pas cher en plus! Ohhhhh….il a marché, il a marché à fond, le gars!
-Il a oublié ma femme…il fait le clown pendant cinq minutes, et il oublie ma femme…
-Ah la boulette…!!
-Ça dépasse tout ce que j’ai pu imaginer.
Et ainsi de suite. Vous savez que l’idée originale émane d’une histoire vraie, tenue dans un des grands restaurants de Saint-Germain-des-Prés? Comme quoi l’image, sinon la caricature, relève parfois bel et bien du réel.
Dans tous les cas, et allez savoir pourquoi, plusieurs autres passages de l’oeuvre-chérie me reviennent en tête, ces jours-ci. Parce que j’ai la sinistre impression d’avoir été convié, comme le reste de la nation québécoise, à un succulent dîner de cons. Au menu? Le racisme systémique. La distribution des rôle est, par ailleurs, autant facile que limpide:
François Legault dans celui de Pierre Brochant, qui invite.
Une ministre qui affirme « qu’il y a du racisme dans le système mais pas de racisme systémique », dans le rôle de Juste Leblanc, fidèle ami béni-oui-oui.
La nation québécoise dans celui de François Pignon, le con du dîner.
Des militants antiracistes dans celui de Cheval, qui n’y voit que du feu.
La Commission des droits de la personne, du SPVM, de la GRC et de la Commission Viens dans celui de Christine Brochant, la conjointe de Pierre qui le conjure d’arrêter de se foutre de la gueule des bonnes gens.
Les chroniqueurs braillant au racisme anti-Blanc (concept victimisant et inexistant en sociologie, inventé par Jean-Marie LePen), mais refusant de reconnaître le racisme systémique, dans celui de Jean Cordier, l’ami qui aide Brochant à trouver, et piéger, le con.
Tout regroupement d’électeurs racistes ou xénophobes, dans celui du tarla lanceur de boomerang aut-hen-ti-que.
D’autres chroniqueurs identitaires dans celui de Pascal Meunaux, le publicitaire qui baise Charlotte, la conjointe de Cheval.
Le chef du Bloc québécois, qui refuse une motion de la Chambre condamnant le racisme systémique de la GRC, dans le celui du Docteur Sorbier, caution par excellence.
Les Noirs, Autochtones et Arabes dans celui de Marlène Sasseur qui, de bonne foi, croit en vain que Brochant finira par reconnaître l’évidence.
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Dring dring dring…
-À dîner mercredi soir? Mais j’en serais ravi, Monsieur Legault…