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Le danger du nous contre les autres

Photo: Istock/zubada
Charles Boisvert - Psychoéducateur et professeur en éducation spécialisée au Collège Montmorency

LETTRE OUVERTE – Peut-il y avoir une réparation du fossé qui se creuse entre les vaccinées et les non-vaccinées? Quelle est la marge de manœuvre restante pour le réduire, si réduction possible il existe encore?

La pandémie est avant toute chose un enjeu santé. Il serait tentant de croire que nos réflexions sur la prise ou non du vaccin se fassent dans une analyse pure et rationnelle de la question de santé. Hélas, et heureusement, nous sommes des êtres sociaux. Nous ne sommes pas des robots analytiques, qui agissent librement sans être affectés par les autres autour de soi. L’enjeu de santé est influencé activement par nos liens sociaux.

Quand on ségrègue un groupe, on crée des catégories. Lorsque les humains d’une catégorie comportent un attribut qu’ils jugent moralement supérieur à une autre, des affrontements risquent de s’opérer. En d’autres mots, une personne vaccinée se croyant moralement meilleure par son geste d’être vacciné a plus de risque de percevoir négativement la personne non vaccinée, et vice-versa. Ceci rend légitimes des actes de violence, de rejet, de dénigrement, d’indifférence, envers l’autre groupe. Ce phénomène de groupe est propre à notre condition humaine, et c’est à la base même d’une distorsion cognitive, que l’on peut appeler : «Nous contre les autres». Le psychologue social Jonathan Haidt le décrit très bien dans son livre The Coddling of the American Mind.

Pour des raisons multiples, légitimes ou non légitimes, combien de personnes ne veulent pas être vaccinées parce qu’ils ne s’identifient tout simplement pas aux messages et attitudes des vaccinées ainsi qu’aux décisions politiques actuelles? Je vous laisse estimer le poids de cette influence dans leur prise de décision. Je l’estime assez importante.

Rendu à ce point, il serait difficile de croire que la coercition des mesures sanitaires gagnera le camp des vaccinés. Pour gagner un groupe à long terme, il faut dialoguer avec respect, considération et empathie. Mais le problème au cœur même de ces attributs, c’est qu’il se cache une réalité profonde : accepter d’être en désaccord. Est-ce possible de se rapprocher avec assez de bienveillance pour accepter d’être en désaccord? Est-ce possible de le tolérer? Il aurait tant été intéressant d’avoir des débats de qualité pour laisser des avis s’échanger dans le respect, et de permettre d’offrir des modèles de discussions sur des sujets complexes… Hélas, il n’y en a eu aucun. Réfléchir dans sa chambre à écho n’aura jamais été aussi facile dans cette pandémie…

Les camps sont déjà polarisés. Argumenter n’aidera pas à la cause lorsque les oreilles de chacun sont fermées. Pour avancer, prenons donc soin de s’écouter en interprétant du mieux possible le point de vue de l’un et l’autre, et de respecter la différence dans le respect de la dignité fondamentale que chacun porte en eux. On peut argumenter sans culpabiliser, rabaisser, dénigrer et insulter. Lorsqu’on accepte de vivre respectueusement dans le désaccord, on permet de diminuer la réaction émotionnelle qui braquait un groupe comme l’autre. Ainsi, les gens pourront, avec plus de liberté intellectuelle et émotionnelle, réfléchir à la pertinence d’être vacciné, surtout si ces derniers se retrouvent dans les populations les plus à risque d’avoir des conséquences graves liées à la covid.

Le Québec a besoin de se parler. Il faut sortir du piège de la pensée toxique «nous contre les autres». Que ce soit dans un avenir rapproché sous la CAQ ou non, une grande discussion sera importante pour rebâtir les liens de la grande famille des Québécois.

Charles Boisvert
Psychoéducateur et professeur en éducation spécialisée au Collège Montmorency

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