Cecchini, le tailleur qui brandit l’aiguille depuis 56 ans dans La Petite-Patrie
Du matin au soir, depuis cinq décennies, Antonio Cecchini confectionne des habits pour homme dans sa boutique de La Petite-Patrie. Originaire d’Italie, l’octogénaire, qui semble épargné par les aléas de l’âge, travaille encore près de 70 heures par semaine. Il s’est établi dans le quartier en 1966, en achetant la boutique avec son frère, et il ne compte pas partir de sitôt.
Souriant, bien habillé et ruban à mesurer autour du cou, Tony nous raconte l’origine de son expertise. «J’ai commencé en Italie à l’âge de 12 ans. L’avant-midi, j’allais à l’école et l’après-midi, je m’en allais apprendre le métier», nous dit-il.
Après plus de cinquante ans dans le quartier, M. Cecchini a taillé des centaines de costumes, mais aussi une réputation. Certains de ses clients font affaire avec lui depuis l’extérieur du Québec et d’autres sont des figures publiques. Ce sont toutefois les amitiés qu’il a pu, de fil en aiguille, développer parmi sa clientèle qui semblent l’enchanter le plus.
Expérience, savoir-faire et pizza
«Il y a des clients qui viennent ici depuis plus de 20 ans. Des fois, à 4h30, 5h, je ferme la porte et on prend des verres ensemble, avec de la pizza. Pas ici, mais en arrière», nous raconte-t-il depuis l’avant de sa boutique, où sont disposés tissus, costumes et miroirs.
C’est dans l’arrière-boutique, où Tony reçoit parfois ses amis, que la magie opère. Une dizaine de différentes machines, certaines qui sont presque aussi vieilles que la boutique, mais qui semblent encore neuves, sont entassées jusque dans le sous-sol. Machines à coudre les tissus, d’autres conçues spécifiquement pour les bords de pantalons, système de vapeur pour enlever les plis… Antonio passe de l’une à l’autre pour terminer la confection de l’un de ses costumes, lesquels se vendent au minimum 795 $.
«Je ne me pique pas parce que la pratique est là, quand même. Quand j’utilise une aiguille, je sais où je vais la mettre et je sais très bien où est-ce que je vais la faire sortir», assure M. Cecchini. Le voyant capable de parfaitement réaliser de fines coutures tout en nous racontant des bribes de sa vie, on le croit.
Une vie d’artisan
Malgré l’âge et la quantité d’heures, l’homme, qui est dévoué à son métier, ne se tanne pas et ne compte pas partir. «Ça fait quelques années que j’ai compris le mot fatigué, c’est quoi. Si vous m’aviez demandé il y a deux ans, le mot fatigué, je ne le connaissais pas.»
Son secret pour ne pas se lasser? Aimer ce que l’on fait. «J’aime mon ouvrage et je le fais avec plaisir. Si tu n’aimes pas, tu ne peux pas le faire», dévoile M. Cecchini, pour qui les journées de 15 heures ne se comptent pas sur le bout des doigts. L’amour du métier ne pâlit pas pour celui qui se décrit comme «un peu trop tête dure» pour prendre sa retraite.
Il faut que tu aimes l’ouvrage. Il faut que tu aies la passion de le faire. Si je n’aimais pas l’ouvrage, si je n’aimais pas mes clients, je ne le ferais pas.
Antonio Cecchini
Par rapport à la production de masse d’habits à bas prix, les tailleurs comme M. Cecchini offrent un service qui trouve sa valeur dans la personnalisation. À la différence des habits génériques, ceux que confectionnent les tailleurs spécialisés sont adaptés à chaque corps.
«On a tous des petits “bobos” dans notre corps», explique Tony. «L’épaule droite est toujours un peu plus basse que l’épaule gauche», le «petit ventre» de l’un peut être plus large que celui d’un autre et certains «ont le dos plus rond», donne-t-il comme exemples. «Le veston qui est confectionné sur les racks, il n’est pas corrigé. Un habit fait sur mesure, les tailleurs doivent corriger cela. Les habits que moi, je fais, j’espère qu’ils sont toujours parfaits.»
Dans le cadre de notre série P aime E, Métro va à la rencontre d’entrepreneurs passionnés par leur commerce, qui laissent leur marque dans leur quartier.
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