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Débroussailleur, le job qu'on ne veut surtout pas faire

«Forestière cherche débroussailleurs. Aucune formation requise. Salaire hebdomadaire variant de – 50 $ (sic) à 1 500 $, pour 35 à 75 heures/semaine. Lieu de travail : au fond des forêts québécoises. Matériel non fourni. Bienvenue à tous.»

Drôle d’offre d’emploi à première vue. C’est pourtant le portrait que fait la journaliste Marie-Paule Villeneuve du métier de débroussailleur dans son tout dernier livre Le tiers-monde au fond de nos bois.

«Débroussailleur, ce n’est pas un métier, c’est un job de dernier recours», affirme d’entrée de jeu Marie-Paule Villeneuve en entrevue à Métro. Ils sont pourtant près de 10 000 hommes, au Qué­bec, à débroussailler les denses forêts de l’Abitibi, de la Gaspésie et du Lac-Saint-Jean.

Une lourde scie en bandoulière sur l’épaule (que les travailleurs doivent acheter eux-mêmes), les débroussailleurs ont pour tâche d’enlever toute végétation autour des arbres qui doivent pousser rapidement afin d’alimenter l’industrie du bois.

De mauvaises conditions de travail
Jusque-là, outre le poids de l’équipement, l’environnement de travail qui rend les déplacements difficiles, le froid, la chaleur, l’humidité et les moustiques, ce n’est pas si mal. Là où les choses deviennent vraiment pénibles, dénonce la journaliste dans son ouvrage, c’est du côté des conditions de travail.

Les travailleurs étant payés au rendement, ceux-ci doivent travailler de très longues journées dans des conditions difficiles afin de s’assurer un revenu convenable et ainsi pouvoir, à la fin de l’été, avoir droit au maximum de prestation d’assurance-emploi. 

Les sous-traitants, qui sont très nombreux dans l’industrie forestière, font aussi en sorte que les normes du travail ne sont pas souvent respectées, les employeurs se relançant la balle quant à leurs responsabilités.

Une étude a de plus démontrée que l’effort cardiaque quotidien demandé à 86 % des débroussailleurs dépasse de 10 % la valeur maximale du coût cardiaque acceptable avant que les risques d’accident et de fa­tigue excessive augmentent.

«Je ne souhaite ce métier à personne», affirme la journaliste, qui a vu à plusieurs reprises les débroussailleurs à l’Å“uvre dans les reculées «forêts mouvantes» de l’Abitibi, «qui sentent l’essence, la gomme d’épinet­te et les feuilles labourées».

Un métier trop difficile pour les jeunes
Les jeunes qui tentent leur chance ne demeurent généralement pas très longtemps débroussailleurs, n’étant ni assez forts, ni assez endurants, souligne Marie-Paule Villeneuve.
La moyenne d’âge des débrousailleurs est en effet assez élevée, tournant autour de 49 ans.

«Ce sont les hom­mes plus vieux, qui ont travaillé toute leur vie en forêt et dans les mines, qui forment la majorité», affirme Mme Ville­neuve. Les autres sont des jeunes, pour la plupart fraîchement diplômés en technique forestière et qui n’ont pas encore trouvé de travail, ainsi que des immigrants, dont beaucoup d’Africains, arrivés au Québec depuis peu.

On apprend aussi dans Le tiers-monde au fond de nos bois que plusieurs travailleurs sylvicoles proviennent maintenant de Québec et de Mont­réal. Ceux-ci vont travailler en forêt 20 semaines pour ainsi gagner leurs semaines d’assurance-emploi.

La solution
La syndicalisation des travailleurs et le retour du salaire à l’heure plutôt qu’au rendement régleraient déjà une partie du problème, selon Marie-Paule Villeneuve et plusieurs intervenants cités dans son livre.  La journaliste fait aussi valoir qu’étant donné que les forêts sont publiques, ces travailleurs devraient être employés par l’État.

Mais les problèmes sont profonds dans l’industrie du bois, insiste la journaliste. Celle-ci espère que son livre réveillera les autorités québécoises, qui verront alors la nécessité de mettre sur pied une commission d’enquête.
    
Le tiers-monde au fond de nos bois
Marie-Paule Villeneuve, Fides
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