«La diversité nous rend meilleurs»
Dès le départ, recevoir des stagiaires nouveaux arrivants a été une aubaine pour Marie-Andrée Roger et sa start-up. En effet, cette main-d’œuvre hautement qualifiée fournissait un savoir-faire précieux à cette petite entreprise sans grands moyens. En échange, celle-ci offrait une occasion d’acquérir la fameuse «première expérience canadienne» tant requise par bon nombre d’employeurs.
Rapidement, Marie-Andrée Roger a constaté que le gain s’étendait bien au-delà de ces aspects concrets: la diversité au sein de l’équipe renforçait le potentiel de son entreprise. «C’est une richesse phénoménale. Ça apporte des perspectives et des points de vue qu’on n’aurait jamais envisagés sans ces personnes-là. Ça nous rend très innovants et ça ne serait pas possible autrement. Ça nous rend meilleurs, tout simplement.»
Cette observation est étayée par des travaux menés dans plusieurs domaines de recherche au cours des dernières décennies. Vice-doyenne de l’école de commerce de l’université Columbia, Katherine W. Phillips a découvert que le simple fait d’être exposé à la différence améliore le rendement d’une équipe. Entre semblables, on serait porté à partager des perspectives similaires, atténuant ainsi – voire éteignant – notre potentiel créatif.
«Des groupes socialement divers (en ce qui concerne tant l’origine ethnique que le genre ou l’orientation sexuelle) sont plus innovants que des groupes homogènes. […] Un groupe hétérogène performe mieux en résolution de problèmes complexes et nouveaux», résume l’auteure dans un article publié par la revue Scientific American («Comment la diversité nous rend plus intelligents»).
Depuis sa fondation, la firme Overture Project a accueilli chaque année de quatre à douze stagiaires, à raison de séjours d’un mois, dans le cadre du programme «Interconnexion», chapeauté par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Les sept embauches réalisées par la start-up montréalaise résultent toutes d’un stage. Et la plupart des personnes passées par chez cette firme ont trouvé un emploi dans leur domaine au cours des mois suivants.
La culture start-up sied aux nouveaux arrivants, fait observer Marie-Andrée Roger. Elle requiert en effet une rapidité d’exécution doublée d’une propension à amorcer les changements plutôt qu’à les attendre. Ces qualités sont très courantes chez les candidats à l’immigration. «Un entrepreneur est quelqu’un qui crée son propre avenir. Il n’attend pas que la vie lui apporte des occasions: il les provoque. Pour immigrer, il faut un esprit d’initiative phénoménal, un esprit d’aventure. Ce sont des gens agiles, flexibles et résilients.»
Pour l’entrepreneure, c’est aussi un échange donnant-donnant. Elle se fait un devoir de bien former ses stagiaires à la culture start-up et technologies numériques propre à Montréal. Puisant à même le bassin d’immigrants qualifiés venus d’Amérique latine, d’Europe de l’Est, du Maghreb ou de la France, elle compose avec des personnes curieuses de comprendre les us et coutumes locaux.
«Ici, on aime faire affaire avec des gens confiants qui osent, se vendent et démontrent de l’assurance. Il m’est arrivé de recevoir des stagiaires pour qui prendre la parole en réunion n’allait pas de soi, parce que là où ils étaient auparavant, ça ne se fait pas : on attend qu’on nous la donne.»
Le succès est-il au rendez-vous pour tous ses stagiaires? «Non», affirme sans détour Marie-Andrée Roger. Il arrive que ça ne colle pas. Mais ce n’est pas une question d’origine culturelle ou ethnique, précise-t-elle. «Quand ça ne fonctionne pas, ce sont des enjeux de culture entrepreneuriale, soutient-elle. Et ça, ça peut se présenter autant avec des nouveaux venus qu’avec des Québécois d’origine.»
Chaque mois, Métro publie, en collaboration avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et son programme «Interconnexion», des exemples d’intégration professionnelle réussie.