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L'université québécoise vue par le Canada anglais

Si James E. Côté et Anton L. Allahar ont sous-titré leur ouvrage L’université, mais à quel prix?, c’est bien parce qu’il va y être question de frais, de coûts et de rentabilité. Et même s’ils n’évoquent pas le particularisme québécois, les auteurs livrent, selon Michel Seymour, une analyse «très pertinente» pour la province. Le professeur de philosophie à l’Université de Montréal est l’auteur de la préface de l’ouvrage et explique que «ce livre a un intérêt pour le Québec par contraste.»

Le constat des auteurs est simple : les étudiants canadiens déboursent des sommes importantes pour payer les frais de scolarité (deux fois plus élevés en moyenne que ceux de leurs camarades québécois). Poussés par une forte pression parentale, ils entrent dans une «course aux crédits» pour obtenir le précieux diplôme qui leur permettra de rentabiliser l’argent investi. Ces conditions forment le terreau sur lequel ont poussé le désengagement étudiant («je paie pour avoir un diplôme») et la surnotation («un phénomène généralisé dans nombre d’établissements au Canada et aux États-Unis», notent Côté et Allahar). L’université se transforme en «usine à diplômes» et perd son rôle de transmission de la connaissance. Les étudiants sortent mal formés et ne sont pas certains de trouver un travail, car les diplômés ne manquent pas dans le reste du pays.

Alors, en quoi ce livre est-il éclairant sur la situation des universités québécoises? «Au Québec, on est constamment sous la pression de think tank militant pour la hausse des frais de scolarité, rapporte Michel Seymour. Lorsqu’on voit, et les auteurs ne cessent de le répéter, la corrélation entre des frais élevés et le désengagement étudiant, on en conclut que notre système ne fonctionne peut-être pas si mal.» Et l’auteur de rappeler qu’en matière de frais de scolarité, le Québec est peut-être une exception à l’échelle nord-américaine, mais pas à celle des pays de l’OCDE.

D’autant que, autre atout du système québécois, grâce aux cégeps, les étudiants sont mieux préparés à affronter l’université et ont également plus de chances de trouver un emploi une fois le diplôme universitaire obtenu. Comme l’observe Michel Seymour dans sa préface, «on ne craint pas au Québec de produire des diplômés sans emploi. Au contraire, on craint qu’il n’y ait pas assez de diplômés pour faire face aux de­man­des des entreprises.»

«Mais cela n’élimine pas les problèmes du sous-financement et du décrochage scolaire», ajoute le professeur. Deux maux qui, à leur manière, minent le système québécois. Et Michel Seymour de montrer du doigt «le gouvernement fédéral [qui] n’a pas encore résolu cet aspect du déséquilibre fiscal qu’est le financement post-secondaire en éducation».

Deux visions
Les auteurs reprochent à l’université se transformer en une «usine à diplômes» plutôt que d’avancer vers une «économie du savoir». Explication de texte avec Michel Seymour.

Usine à diplômes
«L’usine à diplômes dési­gne l’université com­me une entreprise servant une clientèle et devant être rentable. C’est une vision économiste du monde, où même un diplôme est une marchandise. Dans ce système, des disciplines non « rentables » comme les sciences humaines ou la littérature ne peuvent trouver leur place.»

Économie du savoir
«L’université est le système nerveux de l’économie du savoir. Elle répond aux besoins de la société et des entreprises par des diplômés ayant des connaissances très pointues dans leur domaine. Et cela laisse entièrement leur place aux disciplines sans intérêt économique.»

La tour de papier
Éditions Logiques
James E. Côté et Anton L. Allahar

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