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Des usines à diplômes

La semaine dernière, des professeurs du collégial ont fait beaucoup parler d’eux en signant le Manifeste pour un Québec éduqué. Ils y dénoncent une recherche de la réussite qui oblige à une réduction importante des exigences pédagogiques ainsi qu’à des évaluations bidon. Au moment où j’écris ces lignes, pas moins de 570 professeurs avaient signé ce manifeste.

Nos cégeps seraient-ils en train de devenir des usines à diplômes? Une usine à diplômes est un établissement d’enseignement dont les exigences sont si faibles que tous peuvent les rencontrer sans trop d’efforts.  Au lieu d’offrir de véritables services d’enseignement, l’usine à diplômes se contente  d’une parure pé-dagogique qui sauve les apparences. Le diplôme qu’elle émet ne garantit aucunement que l’étudiant a acquis des compétences ou des connaissances pertinentes. On le considère plutôt comme le droit acquis du «client» étudiant ; il est donc donné à tous, peu importe la performance.

Le lecteur du manifeste et des nombreux commentaires qui l’accompagnent se rendra aisément compte que les cégeps qui y sont décrits ressemblent drôlement à des usines à diplômes. Faut-il s’en étonner? Depuis des années, on constate que les étudiants commencent leurs études collégiales sans les connaissances nécessaires, surtout en français et en mathématiques. Comment conduire à la réussite celui qui n’en possède pas les instruments? Devant cette tâche impossible, réduire les exigences et «adapter» les évaluations ne sont-ils pas des solutions tentantes?

Si cette description de nos cégeps vous paraît extrême, sachez que le même constat a été fait ailleurs en Amérique du Nord. Dans Academically Adrift, un livre qui a fait fureur cette année chez nos voisins du sud, les auteurs Richard Arum et Josipa Roksa démontrent qu’il est tout à fait possible de fréquenter le collège ou l’université sans rien app-rendre. Ces chercheurs ont soumis plus de 2 000 étudiants à une mesure indépendante de leurs habiletés en raisonnement logique, en écriture et en plusieurs autres compétences fondamentales. Chez 45 % des étudiants, les auteurs n’ont pu constater aucune amélioration de ces habiletés après deux ans d’études.

Comment en est-on venu là? Disons d’abord que la situation n’est pas la même partout. Il y a encore des étudiants qui travaillent fort et qui apprennent, surtout dans les programmes techniques et professionnels, qui ont des liens très forts avec le marché du travail. Dans d’autres programmes, on observe une attitude plus désinvolte. Les étudiants ne prennent pas leurs apprentissages suffisamment au sérieux. Comme certains de leurs professeurs, d’ailleurs.

Cette désinvolture deviendra tôt ou tard insoutenable, car le marché du travail  demeure quant à lui tout aussi exigeant. Sachez que tous vos apprentissages sont utiles ; vous ne savez pas encore à quel point!

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