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Plaidoyer en faveur des probations

J’ai failli un jour soumettre ma candidature pour un poste de gestionnaire d’un programme de développement de carrière dans une grande entreprise. J’avais à peine commencé à rédiger mon CV quand je me suis rendu compte que l’annonce avait été modifiée pour y inclure de nouvelles exigences.

Cela se passa non pas une, mais deux fois. La liste des exigences était alors devenue si longue que j’ai jugé que l’employeur ne savait probablement pas ce qu’il voulait et qu’il était plus sage de ne pas poser ma candidature.

Il est rare de voir un employeur changer une description de poste au beau milieu d’une campagne de recrutement. Néanmoins, cette aventure révèle une attitude de plus en plus commune chez eux : le désir de trouver la perle rare, la personne qui correspond à toutes leurs attentes pour un poste.

Cette attitude conduit les recruteurs à empiler les exigences au point, quelquefois, de se contredire. Ils veulent par exemple une personne flexible et méthodique (des traits de personnalité opposés) ou avec cinq ans d’expérience, mais prête à accepter le salaire d’un débutant.

Il fut une époque, pas si lointaine, où un jeune employé profitait d’une probation. La première année, les exigences à son égard étaient réduites, car on comprenait qu’il lui fallait un certain temps pour apprendre les trucs du métier et devenir vraiment productif.

Aujourd’hui, les employeurs désirent au contraire qu’un employé soit efficace dès la première journée, sans aucun rodage ou transition. Les Anglais appellent cela joliment «Hitting the ground running!» (Tomber sur ses pieds en courant!) Voilà pourquoi ils empilent les exigences, et les jeunes diplômés se demandent comment diable y satisfaire.

Par ailleurs, plus le secteur d’emploi est compétitif, plus les exigences sont élevées. Dans celui du jeu vidéo, par exemple, on cherche des créateurs d’expérience, alors que les diplômés récents en animation peinent à trouver un premier emploi. Quant aux informaticiens de gestion, on ne leur demande plus de connaître les solutions informatiques, mais d’être aussi des experts du secteur d’activités où ils travaillent.

Évidemment, ces perles rares sont difficiles à trouver, mais plutôt que de remettre en question les exigences de leurs postes, les employeurs parleront d’une pénurie de main-d’oeuvre. Il faut donc se méfier des articles de journaux où on nous annonce des pénuries dans certains secteurs. Ce qui se passe en fait, c’est qu’en multipliant les exigences, les employeurs réduisent le nombre de personnes aptes à y répondre à un tout petit groupe qui devient donc difficile à rejoindre.

N’est-il pas temps de réintroduire la probation dans les entreprises? Bien des jeunes diplômés pourraient occuper des postes exigeants si on leur donnait le temps et les moyens de développer leurs compétences.

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