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Changement climatique: les JO d’hiver sont-ils amenés à disparaître?

Photo: iStock
Bernard Paquito, Professeur, Université du Québec à Montréal (UQAM) - La Conversation

Hausse des températures, catastrophes naturelles, hausse du niveau de la mer, fonte des neiges et des glaces… difficile de passer à côté des conséquences des changements climatiques dans le monde. Dans ce contexte, les Jeux olympiques d’hiver sont-ils amenés à disparaître, ou à se renouveler?


ANALYSE – Y aura-t-il encore des Jeux olympiques d’hiver en 2046 ou en 2080? Et quelles villes pourront encore les accueillir?

Les Jeux d’hiver, qui démarrent le 4 février à Pékin, font l’objet de nombreuses critiques environnementales. Faute de neige naturelle, ce sont des canons à neige qui sont utilisés pour assurer la tenue des sports de glisse, provoquant une surconsommation d’eau dans une région qui vit un stress hydrique majeur. Une réserve naturelle est mise en danger à la suite de la construction des infrastructures olympiques. Les enjeux autour de la soutenabilité des Jeux olympiques d’hiver et d’été ne sont pas nouveaux (températures positives, pluies, déplacement de population, pollution des eaux, déchets).

Ces Jeux sont une occasion de se poser la question du sens et de la possibilité d’organiser un événement sportif d’envergure mondiale dans un monde bouleversé par les changements climatiques. Notre équipe de chercheurs en Sciences de l’activité physique et du sport a publié une revue de la littérature sur les changements climatiques et l’activité physique. Cela nous a permis de comprendre que faire de l’activité physique ou du sport en 2030 ou 2040 risque d’être de plus en compliqué par manque de glace, ou en raison de températures trop douces.

Où organiser les prochains Jeux?

Le constat pour les Jeux olympiques d’hiver est simple : cela va devenir de plus en plus compliqué de trouver un lieu pour les organiser.

Déjà, de nombreuses villes ont décliné l’invitation du CIO de tenir les JO d’hiver ces dernières années, dont Lillehammer, en Norvège, pour des raisons économiques.

Mais, désormais, ce sont des raisons environnementales qui pourraient dicter les choix. Des études, dites de modélisation, permettent de prédire avec un bon niveau de précision les conditions d’enneigement et de température partout dans le monde en fonction de scénarios d’émissions de gaz à effet de serre.

Pour simplifier, le scénario avec de très basses émissions nous permettrait de limiter les conséquences climatiques graves. Le scénario avec de très fortes émissions de gaz à effet de serre entraîne des conséquences graves et irréversibles pour l’accès à l’eau, l’agriculture, la qualité de l’air et l’intensité des catastrophes naturelles. À ce jour, les émissions mondiales suivent ce scénario.

Quelles villes parmi celles qui ont déjà accueilli les Jeux olympiques d’hiver pourraient le faire à nouveau en 2050 ou 2080 avec des températures négatives et un enneigement d’au moins 30 cm?

Si nous mettons un coup d’arrêt à nos émissions de gaz à effet de serre dès maintenant, environ la moitié seulement des 21 villes qui ont organisé les Jeux au cours des 100 dernières années pourraient avoir des conditions relativement bonnes pour organiser des compétitions, selon une étude internationale menée par Daniel Scott, de l’Université de Waterloo.

Si nous continuons de faire croître nos émissions, moins de la moitié des villes organisatrices pourraient accueillir les Jeux en 2050 et à peine le quart en 2080.

Mais les résultats s’aggravent si on se concentre uniquement sur les Jeux paralympiques d’hiver. En effet, ils se déroulent après les Jeux olympiques, donc en mars. Or, les changements climatiques risquent fortement de réduire la durée de l’hiver. Autrement dit, avoir beaucoup de neige et des températures négatives en mars va devenir de plus en plus rare. Il y a donc encore moins de villes «disponibles» en 2050 et 2080 pour accueillir les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver.

Pire pour les sports de glisse

Dans les villes qui ont déjà accueilli les Jeux olympiques d’hiver, lesquelles pourraient le faire à nouveau en 2050 ou 2080, selon les athlètes ?

La même équipe de recherche citée plus haut a aussi mené une enquête en ligne internationale chez plus de 300 athlètes et entraîneurs de haut niveau dans les sports de glisse d’hiver afin de leur demander d’identifier les conditions de pratiques sécuritaires et propices à leur sport.

Une faible épaisseur de neige, une neige trop humide, de la pluie et des températures trop douces s’avèrent être des conditions inacceptables pour eux.

Les chercheurs ont donc posé la même question, utilisé la même méthode, mais en utilisant ces critères plus précis. Pour un scénario de très faibles émissions de gaz à effet de serre, les résultats sont similaires, soit moins de la moitié des villes pourraient accueillir les Jeux 2050 ou 2080. En revanche, pour le scénario de gaz à effet de serre actuel, seulement quatre villes d’accueil ont été identifiées en 2050 (Lake Placid, Lillehammer, Oslo et Sapporo), et une seule en 2080 (Sapporo). Les résultats sont sans appel.

Ainsi, lorsqu’on prend en compte les critères de pratique des sports de glisse dans de bonnes conditions, les résultats sont encore plus alarmants que la première étude, qui identifiait au moins une dizaine de villes d’accueil en 2050.

En finir avec l’écoblanchiment du CIO

On pourrait penser que les efforts affichés par le Comité international olympique pour réduire l’empreinte écologique, hydrique, et carbone des futurs Jeux vont permettre d’atténuer les conséquences des changements climatiques. À titre d’exemple, des arbres ont été plantés en Chine pour «compenser» certaines émissions. Or cette mesure s’avère peu efficace dans la lutte face aux changements climatiques.

La soutenabilité peut être déterminée par une série d’indicateurs qui intègrent les enjeux écologiques, économiques et sociaux des Jeux olympiques. Quand on cumule l’ensemble de ces indicateurs, la soutenabilité des Jeux olympiques d’été comme d’hiver décroît depuis ceux d’Albertville en 1992. Les Jeux de Vancouver étaient très moyens par exemple, et ceux de Sotchi, en Russie, les pires. Ils ont eu un impact négatif majeur sur les forêts anciennes, les terres arables, les populations de saumon environnantes et les réserves naturelles proches.

Si nous souhaitons pouvoir vivre des moments inoubliables devant la finale de Slalom géant de snowboard dans les prochaines décennies, nous devrions réduire de manière draconienne les émissions de gaz à effet de serre dès aujourd’hui, tel qu’on l’a vu dans le dernier rapport du GIEC.

Il faut repenser l’organisation des Jeux olympiques pour qu’ils soient plus soutenables, avec deux villes d’accueil qui resteraient les mêmes. Par exemple, les Jeux d’hiver pourraient systématiquement être organisés à Oslo puis, quatre ans plus tard, à Sapporo, pour ensuite revenir à Oslo. De plus, il faut aussi accentuer la pression sur le Comité olympique international pour qu’il cesse d’utiliser des stratégies trompeuses d’écoblanchiment.

Les Jeux olympiques de Londres, en 2012, ont été présentés comme les plus verts de l’histoire. Pour la première fois, les organisateurs développaient une nouvelle catégorie de partenaires, les partenaires durables (BP, BMW ou General Electrics), mais ne demandaient pas de réelles contreparties environnementales. Les Jeux de Vancouver, annoncés comme les premiers jeux durables, ont entraîné la destruction de parties importantes des Eagleridge Bluffs. Sans oublier tous les sites olympiques laissés à l’abandon, comme à Athènes ou à Rio de Janeiro.

La ville de Paris, hôtesse des Jeux olympiques 2024, joue à fond la carte de la durabilité. Tony Estanguet, le co-président du Comité de candidature de Paris, a déclaré en novembre que «le développement durable n’est pas un objectif, c’est l’ADN même de la candidature que nous construisons avec les athlètes et l’ensemble de nos partenaires».

Mais peut-être devrions-nous en douter à la vue de la soutenabilité déclinante des Jeux?

Bernard Paquito, Professeur, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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