Des écoféministes lancent une «expédition bleue» pour étudier le plastique dans le fleuve
Un équipage de 12 femmes et de personnes issues de la communauté LGBTQ2S+ partira explorer le golfe du Saint-Laurent le 26 août prochain à bord du voilier ÉcoMaris. Issu du milieu de la recherche scientifique et du monde des arts, cet équipage documentera et étudiera la pollution plastique dans le cadre d’une «Expédition bleue».
À bord de l’ÉcoMaris se côtoieront donc des artistes et créatrices littéraires, ainsi que des scientifiques, dont Anne-Marie Asselin, cheffe de mission et biologiste marine, qui sera responsable de la collecte de données sur les rivages. Une vulgarisatrice scientifique réalisera également une série de balados nommée Balad’eau à bord.
Le but sera de travailler de manière «interdisciplinaire», résume Camille Deslauriers, professeure régulière en création littéraire au Département des lettres et humanités à l’Université du Québec à Rimouski. Tout l’équipage mettra l’épaule à la roue et s’entraidera, par exemple lors des activités de nettoyage de berges.
Le nerf de la guerre sera de partager ce qu’on s’en va vivre avec la population en générale, de sensibiliser les Québécois aux changements climatiques et les amener à découvrir ce milieu-là.
Anne-Marie Asselin, biologiste marine, cheffe de mission et responsable de la collecte de données sur les rivages
Les outils employés pour diffuser les découvertes et réalisations scientifiques lors de l’Expédition seront «à mi-chemin entre la vulgarisation scientifique et la culture», raconte Mme Asselin. L’idée est de décomplexifier les enjeux environnementaux et sensibiliser le public à ceux-ci en utilisant une démarche créative dont le fruit sera partagé sur les réseaux sociaux de l’expédition.
Une expédition écoféministe
Ce «projet nouveau genre» propose une vision «écoféministe et interdisciplinaire» de la recherche, explique Mme Asselin, qui porte le projet avec Camille Deslauriers.
L’écoféminisme est un mouvement philosophique, éthique et politique (parfois même aux tendances spirituelles) qui tisse des liens entre l’exploitation des femmes et la destruction de l’environnement.
Voilà pourquoi les chercheuses qui monteront à bord du voilier seront toutes des femmes issues de la communauté LGBTQ2S+. Les récits récoltés et les enjeux étudiés seront donc portés par les yeux et les voix des membres de ces communautés.
Le but, c’est aussi d’élever la voix des femmes et des groupes sous-représentés au sein de la communauté scientifique.
Anne-Marie Asselin
Une «posture géopoétique»
C’est le terme qu’utilise Camille Deslauriers, chercheuse principale de la mission et créatrice littéraire, pour décrire l’approche de création artistique qui sera employée lors de l’Expédition bleue.
«C’est une posture d’écriture sur le terrain, vulgarise-t-elle, soit sur le bateau, soit sur les berges, donc partout où on va aller.» Pour faire simple, l’idée va être de créer à partir des matériaux trouvés sur le terrain et d’être constamment en mouvement dans le lieu exploré. L’équipe prendra donc des photos, notera des amorces de récits ou des idées de fragments ou de nouvelles qui seront ensuite retravaillées sur le bateau. «On va travailler avec les dessins, les collages et des cartes aussi», ajoute la créatrice littéraire.
En plus de cette portion «création», les chercheuses entreront en dialogue avec les scientifiques pour une portion plus «réflective» de leur recherche, dans le but de voir comment la récolte de matériaux se passe de leur côté. Les chercheuses artistiques tenteront donc d’échanger et de créer des parallèles avec leur propre processus de création.
Microrécits et microplastiques
Du côté scientifique «pur et dur», synthétise Mme Asselin, deux hypothèses seront testées au courant de la mission. Pour la première, «la prémisse scientifique se base sur le gîre du golfe du Saint-Laurent».
Un gîre est un grand tourbillon qu’on retrouve dans les océans, à cinq endroits sur la planète. Au cœur des gîres des océans Atlantique et Pacifique se trouvent les continents de plastique.
La question est donc de savoir si, au niveau microscopique, du plastique sera trouvé au cœur du gîre du fleuve, à son échelle.
L’échantillonnage du microplastique mettra fin à une recherche étalée sur cinq ans qui pourra enfin être publiée.
L’équipe scientifique ira également «témoigner, pour la première fois, à titre exploratoire, et documenter les enjeux modernes de pollution plastique sur des littoraux pratiquement ou carrément inhabités de la Basse-Côte-Nord», vulgarise la biologiste marine. Les îles d’Anticosti et de la Madeleine, les archipels Mingan et Sainte-Marie seront explorés, entre autres.
Ce qui sera trouvé sur les berges de ces secteurs, autant ce qui est naturel que ce qui pollue, servira d’inspiration à l’équipe responsable de la création littéraire et artistique, nous explique à son tour Camille Deslauriers.
L’idée [est] de faire une collecte de déchets. C’est super inspirant parce qu’on va ramasser plein de matériaux, puis on va pouvoir se demander ce que racontent les berges, ce que racontent les eaux, le fleuve.
Camille Deslauriers, chercheuse principale de la mission
L’idée de tout cela sera «de garder des traces, mais aussi de parcourir tous ces lieux en ayant un regard neuf, en se mettant en relation avec le lieu et d’écrire à partir de cette relation qu’on va instaurer avec le lieu», dit-elle.
On va probablement porter un peu de révolte, porter de la tristesse, suivant ce qu’on va trouver. Il y aura aussi de la beauté, donc on va passer par plein d’émotions.
Camille Deslauriers, chercheuse principale de la mission
Seront également produites «des cartes postales poétiques». Des photos seront donc prises et à partir de celles-ci, des microrécits ou des fragments de textes seront écrits. Tout au long de la mission, les comptes Instagram et Facebook de l’Expédition bleue seront nourris des écrits des créatrices et donc, par le fait même, des expériences et découvertes des scientifiques.
L’Expédition est le projet de l’Organisation bleue (OB). Cet OBNL québécois a comme mission principale la conservation de l’environnement. «On a un axe très prononcé sur la préservation du milieu marin de chez nous», explique la directrice générale d’Organisation bleue, Anne-Marie Asselin. L’OB se concentre donc particulièrement sur le fleuve Saint-Laurent et l’océan Atlantique.