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Revoir notre rapport à l’eau en s’inspirant de la culture autochtone 

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Les savoirs ancestraux des Premières Nations considèrent l’eau comme un élément sacré. Au-delà des traditions, c’est une relation particulière qu’entretiennent quotidiennement les autochtones avec cet élément omniprésent et indispensable, mais pourtant menacé. 

Métro s’est entretenu avec Mélissa Mollen-Dupuis, militante innue et responsable de la campagne boréale à la Fondation David Suzuki, pour comprendre comment les allochtones peuvent s’inspirer des savoirs ancestraux des Premières Nations pour reconsidérer leur rapport à l’eau trop souvent perçue comme une ressource inépuisable a valeur économique. 

La militante innue Mélissa Mollen-Dupuis. Gracieuseté : Mélissa Mollen-Dupuis

Q:Quelle est la relation qu’entretiennent les Premières Nations avec l’eau ? 

R: «Ce qui est étonnant c’est qu’on a la même relation avec l’eau que les allochtones, c’est-à-dire une interdépendance qu’on ne peut pas nier. Cependant, on en a une vision très différente, car elle est à la base de notre culture. On n’a pas un rapport à l’eau qui est économique, on a une relation sacrée avec l’eau. Souvent ça tombe dans la responsabilité des femmes d’en voir la protection puisqu’on est considéré comme les premières à porter l’eau, notamment quand on pense aux enfants et à la grossesse. Les femmes et l’eau c’est une relation très claire dans nos têtes, mais ça ne fait pas ce même chemin-là pour les allochtones.

Le rapport de la protection de l’eau et des femmes est quelque chose qui nous est transmis très jeune. Si on regarde juste le chemin qu’on fait entre ma fille, moi, ma grand-mère et mon arrière-grand-mère à travers le cordon ombilical, on peut nous reconnecter à la première eau et à la première grand-mère qui est la Terre. Ça fait de nous les gardiennes de l’eau.   

On est construit avec de l’eau et de ne pas en voir l’importance c’est comme un suicide collectif. C’est tellement détaché dans l’esprit des gens qu’ils ne voient pas la connexion, car trop de gens pensent qu’ils peuvent toujours acheter une bouteille d’eau alors que nous on sait où elle est l’eau et comment elle est attaquée au quotidien, car on est sur les territoires pour le voir.»

Q: Comment cette relation avec l’eau se traduit au quotidien ? 

R: «Ce qui est important de voir c’est où se trouvent les communautés à travers le territoire. On a une vision d’ensemble du territoire, car on est répandu, donc chaque communauté devient gardienne du lieu où elle se trouve. On va s’attacher aux rivières et aux lacs qui d’ailleurs portent des noms. 

J’ai cette responsabilité de peu importe où mes pieds se trouvent, de protéger le territoire qui me nourrit et qui me donne à boire. Cet attachement au territoire existe dans les communautés et au quotidien, peu importe quelle nation, elle va te parler de la rivière à côté de laquelle elle habite ou de la mer où elle pêche. Tu vas vraiment en entendre parler quasiment comme si c’était un cousin ou une tante, comme d’une relation, pas seulement comme d’un frigidaire que tu ouvres et dont tu prends les ressources pour après en fermer la porte. 

J’ai un attachement à la rivière Mingan, j’ai un attachement au fleuve, car pour moi ce sont des êtres qui sont porteurs de vie et de ma vie en même temps.»

Q: Comment les allochtones devraient-ils revoir leur vision de l’eau ? 

R: «Ce qui aide beaucoup présentement c’est ce processus de décolonisation qui je pense touche tout le monde. On se rend bien compte que ce manque de valorisation des savoirs autochtones a permis l’exploitation des territoires, c’est-à-dire une déshumanisation et un rabaissement de nos connaissances. Ces savoirs-là, on permis pendant des temps immémoriaux d’habiter en équilibre avec le territoire sans avoir à coloniser de l’autre côté de l’océan, car les ressources étaient équilibrées.  

Aujourd’hui, on commence à se rendre compte que dans ces savoirs-là, il y a des solutions humaines aux changements climatiques et à l’exploitation des territoires. 

Je sens qu’il y a une compréhension et une reconnaissance des Premières Nations, mais je sens que les gens sont pris dans leur manière de faire. Le monde ne voit pas les choses comme avoir ce que tu as besoin, mais comme avoir ce que tu veux. »

Q: Quelle relation entre allochtones et autochtones pourrait aider à protéger l’eau ?

R: «Tout d’abord ça prend de défaire la vision biaisée que les gens ont de nous et la «doctrine de la Découverte». Nous on arrive avec un savoir qui prend une transformation de l’humain et pas du territoire. On se dit: là on change notre relation et notre manière de faire. Présentement on favorise la boulimie des ressources où c’est celui qui mange le plus qui gagne le plus. 

Comment on peut faire pour vivre tous ensemble, c’est en revenant vers une réflexion basée sur les savoirs ancestraux et de comment garder un équilibre avec le territoire. C’est difficile comme discussion, car on doit inverser toute une réflexion de suprématie blanche sur les pensées autochtones à travers le monde.

Dans la vision autochtone, il n’y a pas de fin du monde, il y a toujours une suite. Présentement, on voit plein de films d’apocalypse et de virus qui finissent la société telle qu’on la connaît. Si tu prends le point de vue des premiers peuples, ça fait 500 ans qu’on est dans une apocalypse et qu’on est dans une pandémie qui a détruit nos civilisations, mais est-ce qu’on arrête pour autant ? Non. On se rend compte qu’on peut encore remonter et continuer en gardant ce qu’on avait de meilleur. 

Les gens ne comprennent pas que ce qui les nourrit ce n’est pas de la magie, c’est la nature autour de nous et plus on avance, plus ce qui nous nourrit nous rend malades. La mobilisation autochtone existe et va continuer d’exister, mais il faut voir que ce sont des solutions pour tous qui sont offertes. Nous ce qu’on veut offrir c’est que tout le monde puisse passer au travers et espérer pour leurs enfants et petits-enfants.»

Q: Au Québec, comment les Premières Nations subissent-elles les conséquences du rapport déséquilibré à l’eau ?  

R: «Présentement les rivières sont vues comme des moulins à électricité, ce qui engendre une perte de la biodiversité et de l’accessibilité au territoire. Il y a une perte qui est irrévocable. Tu ne peux pas construire une forêt de la même manière qu’elle s’est bâtie au travers des siècles. C’était ça le but des réserves et des pensionnats, parce qu’on était dans le chemin entre les ressources et l’exploitation de ces ressources. 

Ça fait plusieurs siècles qu’on dit d’arrêter de faire ça alors que les gens détruisaient le territoire, mais ça n’a pas été écouté. Maintenant que la perte de ces ressources-là commence à toucher des allochtones, là on commence à s’en apercevoir. Quand on entend parler de construction de barrages hydroélectriques, ce n’est pas un besoin réel c’est un besoin électoral. Moi je ne vois pas un surplus d’électricité qui pourrait être vendu, je vois surtout la disparition du caribou et des rivières à saumon.»

Q: As-tu un exemple de protection inspirée des savoirs ancestraux ? 

R: Je pense à la rivière Magpie (ou mutehekau shipu). En donnant, une personnalité à la rivière, on utilise une façon autochtone de voir le monde, mais on essaye de le faire passer au travers de l’engrenage légal eurocentré ce qui est très difficile. Là on veut lui offrir le droit de couler et le droit d’avoir de la vie en son sein.»

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