Les diplômes universitaires perdent-ils leur valeur?
Les statistiques ont toujours montré que les diplômés universitaires sont mieux rémunérés que les travailleurs qui n’ont pas fait d’études avancées. Cela serait-il en train de changer?
Une étude récente de Statistique Canada a examiné l’évolution de la rémunération selon le niveau de scolarité au cours des 30 dernières années. Ses résultats ont de quoi laisser songeur.
D’après les recensements, le salaire hebdomadaire moyen des diplômés du secondaire et de la formation professionnelle n’a presque pas changé entre 1980 et 2000. Il s’agit du salaire réel, ajusté pour l’inflation durant cette période. Toutes les augmentations de salaire reçues par ces travailleurs ont donc été annulées par l’inflation.
Quant aux diplômés universitaires, leur salaire hebdomadaire moyen, après qu’on a enlevé cet effet de l’inflation, a augmenté de 16 % au cours de la même période. Durant les deux dernières décennies du XXe siècle, les diplômés universitaires ont donc joui d’un traitement avantageux lorsqu’on les compare aux autres travailleurs. Comme on le sait, de nombreuses autres études au cours des années ont fait valoir l’avantage économique que procurent les études universitaires.
Mais la situation semble s’être inversée depuis l’an 2000. Une revue des résultats de l’Enquête sur la population active (EPA) montre que le salaire hebdomadaire moyen des diplômés du secondaire et de la formation professionnelle a augmenté de 8 % entre 2000 et 2011. Durant la même période, le salaire hebdomadaire moyen des diplômés universitaires n’a augmenté que de 2 %. Cela a eu pour effet net de réduire la différence entre les salaires moyens de ces deux groupes de travailleurs.
Ce renversement est encore plus marqué chez les jeunes travailleurs. Toujours entre 2000 et 2011, les travailleurs de 25 à 34 ans détenteurs d’un diplôme universitaire ont vu leur salaire hebdomadaire moyen augmenter de seulement 1 %. Parmi les diplômés de la formation professionnelle, cette augmentation a été de 14 %. La progression salariale de ces deux groupes s’est donc complètement inversée après 2000.
Ces chiffres semblent révéler que la valeur du diplôme universitaire a diminué depuis le début du XXIe siècle. L’étude suggère plusieurs explications à cette diminution. Par exemple, la réduction de l’emploi dans les secteurs de l’informatique et des télécommunications entre 2001 et 2004 peut avoir nui aux diplômés universitaires. À l’inverse, l’augmentation récente de l’emploi dans les secteurs des ressources naturelles et de la construction aurait favorisé les autres diplômés.
Il existe néanmoins une autre explication qu’il va falloir mûrir. Environ 35 % des diplômes décernés au Québec le sont dans les arts, les lettres et les sciences sociales, des domaines où les perspectives d’emploi sont pauvres. Ces diplômes ne donnent pas d’avantages économiques lorsqu’on les compare à ceux de la formation professionnelle; c’est plutôt l’inverse. Il est clair que, du point de vue de l’insertion, mieux vaut avoir un DEP en usinage qu’un baccalauréat en science politique.
Lorsque plus d’un diplômé sur trois n’a pas un accès intéressant à l’emploi et à la rémunération, il est bien sûr que la valeur de l’ensemble des diplômes en souffre!