La dépression chez les jeunes
Au-delà des larmes, il demeure difficile de dépister les symptômes de dépression chez les jeunes.
De nombreux questionnaires tentent de cibler les enfants en détresse en adaptant les questions des adultes avec des termes plus simples. «La pêche aux symptômes s’avère souvent hasardeuse et on court le risque de ramasser trop de jeunes dans ses filets, par peur d’en laisser échapper», annonce Cécile Rousseau, chercheuse en psychiatrie sociale et culturelle à l’université McGill.
Une étude réalisée en 2016, publiée dans La Revue canadienne de psychiatrie, tourne le fer dans la plaie en soutenant que ces courts questionnaires, utilisés par les médecins auprès des jeunes de 6 à 18 ans, ne livreraient pas une information fiable et donneraient même lieu à de nombreux faux positifs. Près de 20 % des adolescents –soit un jeune sur cinq– vivraient avec un indice élevé de détresse psychologique – un peu plus chez les filles (28 %) que chez les garçons (14 %).
Après avoir ciblé 17 études portant sur 20 questionnaires de dépistage de la dépression des jeunes, les chercheurs ont rapporté de nombreuses failles, telles que de faibles échantillons ou encore des méthodes non conformes, qui rendent le plus souvent caduque la fiabilité du diagnostic. Ces questionnaires, généralement peu précis, présentent aussi des balises temporelles floues et un vocabulaire imprécis.
«Certains instruments affichent des taux de 40 % et d’autres, des taux de 8 %. Comme cela n’est pas ce qui est attendu (20 %), on construit alors de toutes pièces un instrument pour confirmer ce qu’on veut savoir», avance le Mme Rousseau.
Pister le mal de vivre
Disputes de parents, résultats scolaires décevants, problèmes amicaux, les jeunes vivent de nombreuses situations susceptibles de les attrister et de modifier leurs comportements au quotidien. La tendance à vouloir dépister systématiquement la dépression au sein des écoles, particulièrement chez les plus jeunes, inquiète la chercheuse.
De peur de minimiser les souffrances des enfants, comme dans le passé, de nombreux cliniciens auraient aussi acquis le réflexe d’interpréter les émotions des enfants comme potentiellement à risque. En termes clairs, les jeunes qui font de l’anxiété ou vivent du stress peuvent être plus souvent –et à tort– dépistés comme à risque de dépression.
«Le mal de vivre exprimé par les enfants donne lieu à de mauvaises interprétations et à une catégorisation des problèmes», ajoute la chercheuse. Le terme «dépressif» figure maintenant dans le langage courant et s’utilise souvent injustement pour parler d’un état de tristesse, «mais être triste, ce n’est pas faire une dépression», rappelle-t-elle.
Surmédicalisation des jeunes
Des larmes, des cauchemars, un manque d’appétit et des problèmes de sommeil à répétition: ces signes de détresse ne traduisent pas forcément une dépression. «Étiqueter les enfants avec des troubles mentaux cause beaucoup de torts à ces jeunes et cela nuit à leur résilience», relève Cécile Rousseau.
Cela ouvre aussi la porte à la surmédicalisation des jeunes, à défaut de prise en charge psychologique adéquate. «Quand il n’y a pas de traitement adéquat, ce n’est pas éthique de miser sur le dépistage. Il vaut mieux miser en amont sur la prévention», soutient encore la chercheuse.
Allouer des ressources pour lutter contre la précarité et le stress des enfants, valoriser les jeunes et l’activité physique et améliorer le climat scolaire pourraient être quelques pistes de solutions pour que les troubles d’adaptation des enfants ne se transforment pas en dépression.