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Changer le monde, une boucle à la fois

Nancy Falaise
Nancy Falaise, propriétaire du Salon Académie Nancy Falaise dans le Plateau-Mont-Royal, à Montréal. Photo: Pablo Ortiz/Métro

Trouver un coiffeur capable de prendre soin des chevelures bouclées, frisées ou crépues peut donner des maux de tête à certains. La coiffeuse Nancy Falaise en est consciente et a lancé une pétition pour inclure au cursus des écoles de coiffure du Québec des cours sur les cheveux bouclés.

«C’est comme au primaire, on n’a pas le choix d’apprendre le français, l’anglais, les maths. À l’école de coiffure, on devrait apprendre [à coiffer] les cheveux frisés […] comme on apprend tout le reste», lance l’entrepreneure dans son salon éponyme du Plateau-Mont-Royal.

Bien installée dans un fauteuil où l’on coupe habituellement les cheveux, Nancy Falaise a fait des boucles son cheval de bataille depuis plusieurs années déjà.

Près de «60% des femmes du monde ont les cheveux texturés. Il y a plus de gens avec des cheveux frisés que droits», affirme-t-elle.

Depuis quelques semaines, elle a initié une pétition en ligne à l’attention du ministère de l’Éducation. Elle souhaite que le programme des écoles de coiffure soit modifié afin d’inclure les soins des chevelures texturées. Elle a déjà récolté près de 5000 signatures sur un objectif 10 000.

Mme Falaise affirme que l’apprentissage des futurs coiffeurs sur les cheveux bouclés se résume à les défriser à coup de produits chimiques ou à faire des mises en plis pour les lisser.

«On est tellement un pays qui se diversifie de plus en plus […] alors qu’est-ce qui va se passer quand la génération des femmes qui me suit, si les personnes qui sont à l’école de coiffure ne savent pas comment les coiffer, qu’est-ce qui va se passer? On va retourner à se raidir les cheveux?» – Nancy Falaise, propriétaire du Salon Académie Nancy Falaise

Des cours jusqu’en Suisse

Elle souhaite qu’on enseigne aux étudiants à couper les cheveux selon leur texture et à adapter les soins selon le type de boucles.

Ils devraient au moins posséder une base en la matière.

«Il faut que ça change, c’est le temps du changement. Alors pourquoi ne pas changer le curriculum de l’école? On change les curriculums dans les écoles, les universités, alors pourquoi pas les écoles de coiffure ? » demande celle qui donne aussi des cours privés dans son salon.

Nancy Falaise va même jusqu’en Suisse pour donner des cours de coiffure pour cheveux bouclés.

Contrer la discrimination

Les cheveux peuvent être discriminatoires, dénonce Nancy Falaise, qui en a fait les frais quelques jours à peine avant l’entrevue avec Métro.

«Je suis rentrée dans un énorme salon de coiffure [de Montréal]. Sur les 35 coiffeurs, il n’y en a pas un qui peut me coiffer», dit-elle.

L’un d’entre eux lui aurait répondu : «je peux te donner une pause de tes cheveux en les raidissant», lâche-t-elle encore estomaquée par cette réponse.

«Il devrait y avoir quelqu’un dans tous les salons qui sait coiffer tous les cheveux frisés et tout le monde devrait avoir une base», s’insurge-t-elle.

Assise à attendre le temps que sa coloration prenne, Courtney, une cliente du salon de Mme Falaise, raconte avoir vécu de la discrimination à plusieurs reprises dans des salons de coiffure.

Lorsqu’elle habitait en Angleterre, un coiffeur lui aurait dit ne pas prendre la responsabilité si sa coupe ne lui plaisait pas, en référence à ses cheveux crépus.

«Si tu ouvres un salon au public, c’est pour tout le monde» et tous les types de cheveux, souligne la cliente maintenant heureuse d’avoir trouvé un endroit où ses cheveux et elle sont respectés.

Un tournant pour Nancy Falaise après son cancer

Nancy Falaise n’a pas toujours eu des boucles serrées sur la tête, malgré ses années d’expérience comme coiffeuse.

C’est un cancer qui l’a amenée à changer il y a huit ans.

«J’ai perdu tous mes cheveux et quand ils sont revenues j’ai décidé […] que je m’acceptais avec mes boucles, que je m’acceptais juste en général», explique-t-elle.

Elle ajoute qu’avec ses cheveux au naturel, elle s’est sentie belle.

Ce changement personnel a également entrainé des changements dans sa profession, où elle a décidé d’apprendre les techniques pour s’occuper des cheveux bouclés.

Une demande forte

Depuis trois ans que le salon portant son nom est installé sur la rue Gilford, son carnet de rendez-vous ne dérougit pas.

«Il y a une énorme demande, difficile à combler», dit-elle, en surveillant du coin de l’oeil si sa prochaine cliente est arrivée.

Même à sept coiffeurs, ils ne suffisent pas à la tâche tant la demande est forte.

«Je pourrais avoir 12 coiffeurs, ils seraient pleins tout le temps. Mon problème, c’est qu’ils ne sont pas formés [sur les cheveux frisés] quand ils sortent de l’école de coiffure.»

Quand elle embauche un coiffeur, elle explique passer de «deux à trois mois à vraiment leur apprendre et à approfondir leurs connaissances».

Un autre salon devrait ouvrir ses portes sur la rive-sud. «Si la COVID ne frappe pas une deuxième fois, on ouvre au printemps prochain», dit-elle avec un large sourire.

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