Coup d’œil sur l’alimentation de 2016
Début d’année oblige, Métro s’est fait aller la boule de cristal pour voir ce qui se passerait en 2016 sur la planète bouffe. (On a malgré tout consulté des experts, parce qu’une boule de cristal… quand même!)
Expert no 1 : Louis Giguère – vice-président et associé de StereoFood Box, spécialiste en marketing alimentaire
Selon Louis Giguère, une tendance de fond se fait sentir depuis quelques années : le «snacking» (qu’on pourrait traduire par «grignotage»). Cette tendance, alimentée par la génération Y – des gens âgés de 20 à 35 ans –, transforme le domaine de l’alimentation. En 2015, près de la moitié de la prise d’aliments relevait du snacking. Mais attention, on ne se contente plus du sac de croustilles ou de la barre de chocolat, on cherche des en-cas de qualité, comme des légumes avec du hoummous, un smoothie (dans un pot Mason!) ou des noix de style mélange du randonneur. On recherche de plus en plus des aliments sains, remplis de nutriments et écologiques. Des aliments dont la liste d’ingrédients a été assainie. Donc, exit l’huile de palme et le sirop de maïs à haute teneur en fructose!
Les gens qui partagent cet état d’esprit se dirigent de plus en plus vers les aliments biologiques et les protéines végétales. Une tendance qui a pris de l’ampleur en 2015, année où les résultats de plusieurs études sur les conséquences des pesticides en agriculture ou sur le lien entre la viande et le cancer ont été publiés. Actuellement, beaucoup de grandes entreprises sont en train de se préparer à créer des produits faits à partir de protéines végétales. La vague s’en vient.
Et la créativité, sur le plan des saveurs et des ingrédients, c’est dans le milieu végane qu’on la retrouve aujourd’hui, constate M. Giguère.
Expert no 2 : Jordan Lebel – professeur agrégé de marketing à l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia
L’authenticité et la transparence sont au cœur des préoccupations des entreprises aujourd’hui. Les consommateurs veulent savoir d’où viennent les aliments et comment ils sont produits. À l’heure du numérique, où tout le monde peut devenir reporter avec son téléphone intelligent, la notion de transparence est d’autant plus importante, explique Jordan Lebel. Il faut que les gestes suivent la parole.
Il cite en exemple la boulangerie Boulart, qui fait notamment la baguette ciabatta pour IGA. C’est la plus grande boulangerie «clean label» (c’est-à-dire dont les ingrédients sont simples, naturels et indiqués clairement sur les produits, en gros) au monde et elle est devenue un modèle pour toute l’industrie, sans faire de bruit, en demeurant authentique.
Une autre tendance qui deviendra moins marginale: l’épicerie en ligne, avec l’arrivée des gens de la génération Y (encore elle!) qui viennent d’avoir leurs premiers enfants. Jusqu’à maintenant, les commandes alimentaires en ligne sont plutôt réservées aux produits de spécialité et aux produits gourmets. L’épicerie quotidienne échappe encore au phénomène. Il faut trouver le moyen de créer une expérience d’achat en ligne qui soit plaisante et fonctionnelle; les gens ne doivent pas perdre de temps et ils doivent trouver ce qu’ils cherchent. Ce sont les entreprises de technologie (Google, Amazon, CISCO, Uber) qui, selon M. Lebel, prendront le relais en offrant des solutions innovantes dans ce secteur.
Et cette dernière tendance pourrait très bien s’allier à celle de la personnalisation de la consommation, voire de la micropersonnalisation: des jus frais pressés livrés chez vous, comme le propose Dose, ou des mélanges de céréales créés à votre goût, offerts par Mixit ou Oatbox. On bâtit une relation avec la marque, on fait partie d’une communauté, comme avec les fermes Lufa, où le consommateur devient un lufavore.
En vrac
À Montréal, on risque de voir de plus en plus…
- De légumes… On en parle depuis quelques années déjà, mais l’ouverture à la toute fin de 2015 de quelques restaurants où le légume est vraiment au centre de l’assiette prouve que c’est encore résolument dans l’air du temps. On peut penser au Hoogan et Beaufort de Marc-André Jetté, au M. Mme de Stelio Perombelon ou au Candide de John Winter Russell… Comme la viande coûte cher (de plus en plus), les restaurateurs innovent pour éviter que le coût des plats explose.
- De cuisson sur braise. Le four à bois n’est plus réservé aux pizzerias. La cuisson sur le feu a la cote! On utilise le «pit à feu» notamment au Foxy, dans Griffintown, et au Hoogan et Beaufort, dans Rosemont. Ce type de cuisson permet de créer des saveurs peu exploitées jusqu’ici.
- De kombucha. La compagnie montréalaise Rise a eu le monopole du kombucha pendant un bon moment dans la métropole, mais on voit de plus en plus d’autres marques de cette boisson fermentée apparaître sur les tablettes. Et le kombucha en général, toutes marques confondues, prend aussi du galon. On le voit maintenant dans la plupart des supermarchés et dans plusieurs restaurants. On le sert aussi de plus en plus en cocktail. L’année 2016 sera peut-être celle où le kombucha, longtemps réservé aux apôtres de la bonne alimentation et aux véganes, se démocratisera.
- De microdistillation. Les alcools distillés au Québec poussent comme des champignons depuis quelques années: gin, vodka, rhum… Les microdistilleurs créent des spiritueux du terroir en leur ajoutant des herbes boréales (comme dans le gin Ungava) ou des algues (comme le gin Saint-Laurent à Rimouski), ou en les élaborant avec de l’eau de pomme récupérée de la production de cidre de glace (comme le gin de neige).