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Airbnb écope de la pandémie, mais la crise du logement continue

Airbnb
Raja Husseini possède un immeuble locatif à courts séjourts, dont les unités sont sur la plateforme de location Airbnb, dans le quartier Centre-Sud. Photo: Josie Desmarais/Métro

Des milliers de logements à Montréal ont délaissé les plateformes de type Airbnb depuis le début de la pandémie, en partie au profit de la location à long terme. Mais qu’en sera-t-il une fois la crise sanitaire terminée?

Métro a obtenu des données compilées par les sites AirDNA et Inside Airbnb afin d’évaluer les impacts de la pandémie sur la plateforme de location de logements à court terme. Celles-ci varient légèrement d’une source à l’autre, mais font toutes deux état d’une réduction de plus de 4 700 hébergements touristiques disponibles sur Airbnb à Montréal entre la fin de 2019 et le mois d’octobre 2020.

Un secteur en changement

Selon AirDNA, cette diminution s’élève à 37% sur un an. Le nombre de logements entiers réservés par des clients sur les plateformes de type Airbnb dans la métropole a pour sa part chuté de 59% – soit de près de 5 000 – pendant cette période.

«C’est énorme», lance Mathieu Laflamme. Lui et son collègue Steve Malizia ont cofondé en 2016 CHECKiN, une entreprise montréalaise qui gère la location à court et à moyen termes d’une centaine de logements que leur confient des propriétaires à Montréal et à Québec, entre autres. Après avoir connu une croissance constante de son chiffre d’affaires dans les dernières années, l’entreprise a du s’adapter à la pandémie, qui a mis sur pause l’industrie touristique.

«Au début de la pandémie, on avait beaucoup de travailleurs du réseau de la santé qui venaient à Montréal pour soutenir les forces dans les hôpitaux et les CHSLD. On a eu aussi beaucoup de personnes qui revenaient en détresse au Canada», souligne-t-il. Au fil du temps, toutefois, plusieurs propriétaires de logements de type Airbnb ont dû miser sur la location mensuelle pour rentabiliser ceux-ci, constate M. Laflamme.

«Ces gens-là ne laisseront pas leur appartement vide, ils doivent continuer à payer leurs coûts fixes, leur hypothèque, leurs factures d’électricité. Donc, ils sont retournés à la location traditionnelle», explique-t-il.

S’adapter à la crise

C’est d’ailleurs le cas de Raja Husseini. Cette dernière est propriétaire d’un immeuble de 27 appartements meublés situé dans le quartier Centre-Sud, à proximité du métro Frontenac. En 2015, peinant à trouver des locataires pour tous ses logements, elle a commencé à mettre ceux-ci sur la plateforme Airbnb pour les louer à court terme. La pandémie l’a toutefois incitée à recommencer à offrir ses logements sur sur une base mensuelle, voire annuelle.

«En janvier 2020, toutes les annulations sont arrivées d’un seul coup. Donc, il n’y en a plus de touristes. […] Nous sommes revenus à offrir notre produit pour une clientèle locale», indique-t-elle en entrevue à Métro. Elle continue toutefois d’utiliser la plateforme Airbnb pour louer ses appartements, mais en misant sur la location de plus longue durée.

«À mon avis, les personnes qui ne remettront plus les pieds sur la plateforme Airbnb [après la pandémie], ce sont celles qui le faisaient de façon illégale.» -Mathieu Laflamme, gestionnaire immobilier

Plus d’appartements à louer

Ces dernières années, des milliers de logements ont déserté le marché locatif au profit d’Airbnb, à Montréal comme ailleurs au pays, ce qui aurait contribué à exacerber la crise du logement à Montréal. L’an dernier, le taux d’inoccupation des logements locatifs dans la métropole a chuté à 1,5%, son seuil le plus bas en 15 ans. Un pourcentage qui se limite à 0,7% pour les logements familiaux de trois chambres et plus.

Or, de récentes données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement font état d’une augmentation de 37% du nombre de nouveaux logements à louer à long terme disponibles à Montréal entre les mois d’avril et d’août. Cette hausse se fait particulièrement sentir dans les quartiers centraux, comme le Plateau-Mont-Royal, Ville-Marie et le Sud-Ouest, des secteurs «ayant une concentration élevée de logements en location à court terme ou d’étudiants», indique le rapport. Une situation qui pourrait «diminuer la pression sur les loyers», peut-on lire.

Vers une fin de la crise du logement?

Peut-on s’attendre à ce que les répercussions de la pandémie sur Airbnb mettent fin à la crise du logement?

«Malheureusement non; on est encore dans une stratégie spéculative. Les gens ou les entreprises qui sont propriétaires de ces logements sur Airbnb veulent les rentabiliser», tranche le responsable de l’habitation au comité exécutif, Robert Beaudry, en entrevue à Métro. La plateforme Airbnb propose d’ailleurs peu de logements de grande taille, ce qui ne répond pas aux besoins des familles, note-t-il. La majorité des logements d’une chambre disponibles en location mensuelle sur Airbnb sont également offerts à plus de 1000$ par mois, a constaté Métro, ce qui les rend inaccessibles pour de nombreux ménages locataires.

D’ailleurs, malgré les impacts de la pandémie, on compte toujours environ 7 000 logements actifs sur Airbnb, dont une partie sont offerts sur une base mensuelle. Signe, selon le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), que plusieurs propriétaires attendent simplement que la pandémie prenne fin pour recommencer à louer leurs logements à court terme.

«Dès qu’il y aura une reprise importante du tourisme, le propriétaire pourrait à ce moment-là relouer [à court terme] sur des plateformes comme Airbnb, sans nécessairement que ça ait redonné du logement locatif pour les locataires qui sont à la recherche», appréhende la responsable des dossiers montréalais au FRAPRU, Catherine Lussier.

Serrer la vis à Airbnb

En prévision de la reprise des activités touristiques, l’organisme demande donc à Québec de débloquer plus de ressources et d’inspecteurs pour faire appliquer les nouvelles règles qui encadrent la location à court terme d’une résidence principale et secondaire depuis le mois de mai. Celles-ci prévoient la remise d’amendes salées aux récalcitrants.

«Le travail de Québec doit s’intensifier au niveau de l’enquête et des inspections sur l’île de Montréal», estime également M. Beaudry. En ce qui a trait au manque de logements familiaux et abordables dans la métropole, la Ville entend miser sur son règlement pour une métropole mixte, qui entrera en vigueur le 1er avril.

«Il y a des années où on a laissé le marché [immobilier] se développer comme il le voulait», reconnaît l’élu de Projet Montréal. Maintenant, la Ville est en mode «rattrapage», assure-t-il, mais «la pente est haute».

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