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«Going Bananas»: guérir ses blessures à travers l’art

Inti Barrios
Dans le monologue documentaire Going Bananas, Inti Barrios évoque l'expérience éprouvante qu'elle a vécue durant ses trois ans de réhabilitation à la suite d'un accident de voiture à Montréal en 2012. Photo: Giulia Martins / Gracieuseté

La metteuse en scène et interprète Inti Barrios a trouvé dans l’écriture et le jeu théâtral un bon moyen pour se libérer de ses blessures émotionnelles et tenter de s’en guérir. Dans son monologue documentaire Going Bananas, elle aborde les détails de l’accident de voiture qui l’a empêchée de marcher pendant trois ans et nous transporte dans le «voyage à deux roues d’une migrante surmédicamentée» en réhabilitation.

Mme Barrios a présenté son œuvre en Argentine et au Mexique, et travaille actuellement à mettre celle-ci en scène pour le public montréalais, la diffusion de Going bananas dans la métropole étant prévue pour 2024. Métro l’a rencontrée lors d’une répétition tenue à portes ouvertes dans le cadre d’une résidence au laboratoire de création Acts of Listening Lab de l’Université Concordia s’étant déroulée du 1er au 15 janvier.

Faire du théâtre avec la réalité

«Cette pièce est une catharsis de mon expérience traumatisante d’hospitalisation, de réhabilitation et d’immigration», explique Mme Barrios, ancienne résidente de Parc-Extension qui se définit comme une «artiviste» et une conteuse à travers le théâtre, la radio, l’art de la performance et la narration orale scénique.

L’artiste de 47 ans ouvre son monologue en incarnant le sentiment de désespoir et d’abandon ressenti lors de son accident survenu à Montréal en 2012. Puis, se servant d’un fauteuil roulant et de quelques images projetées, elle nous plonge dans l’expérience douloureuse qu’elle a vécue en milieu hospitalier et dans un centre de réadaptation. Avec un langage cru saupoudré d’humour, elle évoque plusieurs personnages inspirés des patients et des soignants qu’elle y a côtoyés.

Bien que son œuvre dénonce la précarité et la discrimination qu’elle a vécues dans le système de santé québécois, celle-ci s’avère aussi une critique des systèmes de santé et de migration à travers le monde.

Ce n’est pas seulement l’histoire de ma fracture de hanche; c’est l’histoire de plusieurs autres fractures. Elle reflète la réalité violente d’un système qui pousse pour que les victimes d’accidents graves retournent au travail le plus vite possible.

Inti Barrios, metteuse en scène et interprète

Sa pièce incite à une réflexion sur les iniquités, la douleur, le «capacitisme» et la surutilisation des médicaments dans le système de santé.

Quand l’art rencontre l’activisme

«Ce fut très choquant pour moi d’avoir été envoyée dans un centre de réhabilitation où séjournait un grand nombre d’immigrants gravement accidentés», dit Mme Barrios, dont le travail scénique est étroitement lié aux processus organisationnels, à la défense des droits et à ses propres expériences en tant qu’immigrante.

Je travaille et je milite pour les droits des migrants depuis longtemps, mais je le fais toujours à travers l’art.

Inti Barrios, auteure du monologue documentaire Going Bananas

Diplômée en communication de l’Université ibéro-américaine de Puebla, Mme Barrios a étudié le théâtre à l’école d’arts de la scène CasAzul à México.

Elle a réalisé sa première résidence artistique au Québec en 2011 au Centre Montréal, arts interculturels (MAI), où elle a présenté sa pièce de théâtre Les monologues de la Maquila, qui porte sur les conditions de travail des employées des usines maquiladoras.

Mme Barrios a fait partie du Bloc d’artistes du Centre des travailleurs et travailleuses immigrants de Montréal, où elle a rencontré Koby Rogers Hall en 2012, une artiste militante, actuellement candidate au doctorat en sciences humaines de l’Université de Concordia. Cette même année, l’artiste mexicaine a fait un stage d’été à l’École de théâtre corporel OMNIBUS à Montréal, peu de temps avant l’accident.

En plus de travailler à la mise en scène de Going Bananas à Montréal, Inti Barrios et Koby Rogers Hall collaborent actuellement à la conception de l’œuvre Remembering Carmelos, qui rend hommage à leur ami Carmelo Monge Rosas, cofondateur du mouvement Mexicains unis pour la régularisation, décédé en 2021.

Inti Barrios, 47 ans, metteuse en scène et interprète de Going Bananas. Photo: Karla Meza, Métro

Espace de création et d’expression

«Dans le cadre de mon travail de recherche-création, c’est à travers la collaboration que nous abordons la question de la différence que les arts peuvent faire dans la justice sociale et migrante, explique Mme Rogers Hall, qui a accueilli Mme Barrios au Acts of Listening Lab (ALLab) dans le cadre de sa résidence. Inti et moi souhaitions ouvrir notre processus de création au public pour explorer l’aspect énergétique qui résulte de son interaction directe avec le contenu.»

«C’était l’occasion d’ouvrir une conversation sur les expériences vécues par Inti, mais aussi sur la relation entre son œuvre Going Bananas et l’œuvre sur Carmelo que nous créons ensemble», poursuit Mme Rogers Hall, qui consacre une partie de sa recherche à la façon dont les pratiques d’éthique et de justice migrante informent la pratique artistique ainsi qu’à l’influence de cette dernière sur les mouvements sociaux.

Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.

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