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STM: chercher une nouvelle voie?

La STM est toujours aux prises avec un déficit de 60 M$ en 2023, malgré son plan de réduction de ses dépenses de 18 M$. Photo: Josie Desmarais/Métro

Confrontés aux répercussions d’une crise climatique et affaiblis par une pandémie mondiale, les sociétés de transport collectif cherchent à se réinventer alors qu’elles croulent sous les dettes. Le modèle de financement de ces réseaux – où les revenus dépendent de l’achalandage – est plus que jamais remis en question.  Quelles pistes de solution la Société de transport de Montréal (STM) devrait-elle explorer? Métro a fait appel à quelques experts afin d’y voir plus clair.

Le transport en commun est vu comme essentiel aux efforts de réduction des gaz à effet de serre (GES). Le transport routier représentait 34% des émissions de GES au Québec en 2019, selon le dernier bilan du gouvernement fédéral. Les émissions du secteur ont augmenté de 32% entre 1990 et 2019, annulant quasiment la réduction des GES par les autres industries québécoises.

Malgré tout, la STM est toujours aux prises avec un déficit de 60 M$ en 2023, et ce, en dépit de son plan de réduction de ses dépenses de 18 M$. La situation financière de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) est encore plus précaire: son déficit est estimé à 500 M$.

Les experts consultés sont unanimes: les compressions budgétaires entraînent éventuellement une diminution du service, qui entraîne à son tour une baisse d’achalandage, ce qui mène à une perte de revenus et, à terme, à des compressions supplémentaires.

Comment se sortir de ce cercle vicieux?

1. Adapter le service à l’après-pandémie

En raison de la popularité du travail «hybride», les gens se rendent au travail surtout du mardi au jeudi, explique la doctorante en urbanisme et en transport à l’Université McGill Meredith Alousi-Jones. Depuis la pandémie, les travailleurs se déplacent également moins vers le centre-ville et proportionnellement plus vers des secteurs industriels de la Ville, poursuit-elle.

La STM doit donc abandonner le rêve de retrouver l’achalandage maximal qu’elle avait en 2019, soutient-elle. Elle devrait plutôt cerner les besoins les plus criants en matière de transport et optimiser son réseau en vue de desservir la population le mieux possible.

La doctorante à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal Priscilla Dutra Dias Viola abonde dans le même sens. Selon elle, c’est non seulement le réseau qui doit être adapté, mais également les titres de transport. Puisque les gens ne prennent plus l’autobus ou le métro tous les jours, ils sont moins portés à acheter le titre mensuel ou hebdomadaire, observe-t-elle. La STM devrait donc les attirer en proposant des rabais sur d’autres types de titres, comme les billets de 10 passages, ou en créant un titre avantageux pour ceux qui vont du travail du mardi au jeudi.

2. Passer du porte-à-porte à la haute fréquence

La STM devrait s’inspirer de sa voisine au sud du fleuve, le Réseau de transport de Longueuil (RTL), et passer d’un service d’autobus «porte-à-porte», à un service «haute fréquence», propose Meredith Alousi-Jones.

Un réseau d’autobus porte-à-porte est conçu pour amener un passager du point A au point B sans correspondance. Or, ce genre de réseau nécessite plus de lignes, qui effectuent plus de détours. Le temps de trajet est donc plus long et le service est moins fréquent.

Ainsi, Meredith Alousi-Jones prône plutôt pour une réduction du nombre de lignes, mais avec des passages plus fréquents et des tracés plus linéaires. Les réseaux axés sur la haute fréquence permettent de réduire les coûts d’exploitation et d’augmenter l’achalandage, explique-t-elle.

Les améliorations de service, ça n’a pas besoin d’être super moderne et complexe.

Meredith Alousi-Jones, doctorante en urbanisme et en transport à l’Université McGill

3. Surtaxer les VUS 

Le chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) Colin Pratte propose de mettre en place un supplément de 150$ pour les frais d’immatriculation des camions légers (VUS), à titre de contribution aux budgets de fonctionnement des réseaux de transport en commun. Au Québec, cette taxe rapporterait jusqu’à 330 M$ par année, avance-t-il.

Cette mesure d’écofiscalité vise à récompenser les choix écologiques et pénaliser les choix plus polluants. À ceux qui s’opposent à l’augmentation du fardeau des contribuables alors que le coût de la vie explose, Colin Pratte répond que se détourner des VUS est également plus économe puisqu’en moyenne, les ménages du Québec allouent 20% de leur budget à l’automobile.

Cette mesure, qui a pour objectif de modifier les comportements, ne s’appliquerait qu’à ceux qui disposent d’autres options pour le transport, précise le chercheur. La taxe serait donc modulée selon des critères géographiques et pour les familles nombreuses.

Notons que la Ville de Washington, D.C. a récemment voté un supplément à l’immatriculation à partir de 2024 allant jusqu’à 345$ US selon le poids des véhicules. Un projet de loi allant dans le même sens est également à l’étude en Californie.

4. Réallouer les recettes de la TVQ sur l’essence

L’IRIS suggère également d’allouer les recettes de la TVQ sur la vente de carburant au financement des réseaux de transport en commun. Une mesure qui permettrait d’aller chercher jusqu’à 671 M$ par année, selon l’Institut.

«La hausse du prix des carburants pourrait signifier un meilleur financement du transport en commun, plutôt qu’une simple augmentation des recettes gouvernementales. Recettes qui seraient converties en baisse d’impôts, par exemple», explique Colin Pratte.

L’avantage de cette mesure est qu’elle n’implique pas une augmentation du prix à l’achat, mais simplement une réallocation des fonds, poursuit-il. Les consommateurs – qui payent déjà une taxe sur les carburants (19,2 cents par litre) et, dans le Grand Montréal, une contribution à l’ARTM (3 cents par litre) – ne seraient donc pas pénalisés.

Cependant, la mesure risque de perdre de sa force à long terme, souligne Colin Pratte. L’efficacité énergétique accrue des véhicules et une proportion plus importante de véhicules électriques risquent d’entraîner une baisse de la vente d’essence.

Par ailleurs, pour chaque kilomètre parcouru en voiture, les coûts externes sont 28 fois plus grands qu’un kilomètre parcouru en autobus, en raison notamment des accidents, de la pollution de l’air, de la congestion et de l’entretien des routes, déclare le chercheur, citant une étude de Direction générale de la mobilité et des transports de la Commission européenne.

À terme, si les Québécois délaissaient la voiture, les économies égaleraient ou dépasseraient les investissements dans les réseaux de transport collectif, conclut-il.

5. En route vers l’automatisation

Paradoxalement, une des façons de réduire les dépenses, c’est de faire des investissements massifs maintenant, mais qui vont réduire les coûts d’opérations à moyen et à long termes, estime Priscilla Dutra Dias Viola.

L’automatisation permettra d’économiser sur la main-d’œuvre, souligne-t-elle. À l’international, les trains les plus modernes, comme le métro de São Paulo, au Brésil, sont sans conducteurs, illustre la doctorante. D’ailleurs, la STM commence déjà à automatiser l’achat des titres de passage, remarque-t-elle.

«Tout le monde va vers [l’automatisation]. La STM, si elle veut faire en sorte que Montréal reste une ville de premier plan en transport commun, doit aller vers ça», abonde Meredith Alousi-Jones.

Toutefois, l’automatisation ne devrait pas être prioritaire, avertit cette dernière. «C’est des pertes d’emplois, puis les dépenses dans le personnel ne représentent pas une énorme partie du budget.»

Comme exemple d’investissement avisé, Meredith Alousi-Jones cite le nouveau système CBTC, annoncé en grande pompe dans le cadre de l’extension de la ligne bleue, au coût de 565 M$ . Sorte de «GPS pour les métros», le système permet un meilleur contrôle des trains et limite les arrêts de service, résume la spécialiste.

La doctorante propose également l’installation de portes palières dans les stations de métro, celles-ci empêchant entre autres les débris sur les voies ainsi que les accidents. Initialement dans les plans, la STM a abandonné en avril dernier l’installation de ces portes en raison de ses difficultés financières.

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