Agriculture urbaine : cultiver ses légumes un toit à la fois
Transformer les toits des immeubles de Montréal en champs agricoles. L’idée est en train de se concrétiser alors que des entreprises commencent à investir dans l’agriculture urbaine intensive en exploitant la surface libre au-dessus des bâtiments à Ahuntsic-Cartierville.
Sur le toit du 1401, rue Legendre Ouest, Jean-Philippe Vermette est dans son jardin. «Nous avons 40 000 pieds carrés disponibles, nous avons commencé à cultiver un petit 10 000 pieds carré», indique-t-il.
Sur place du maïs, des piments, des melons, des courges, la diversité des produits est importante. Toutes des variétés ancestrales natives ou adaptées au climat québécois.
Toutefois, rien n’est encore en phase d’exploitation commerciale.
M. Vermette est directeur intervention et politiques publiques à l’organisme «laboratoire d’agriculture urbaine». Il est titulaire d’une maîtrise en sciences de l’environnement. Il est aussi à la tête de la Centrale Agricole, un regroupement d’entreprises qui veulent investir dans l’agriculture urbaine.
«La culture sous serre on sait ce que c’est, nous voulons expérimenter d’autres choses», annonce M. Vermette. La Centrale agricole est effectivement voisine des serres des fermes Lufa.
Par ailleurs, l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville a fait de ce secteur une classe d’usage «agriculture urbaine» dans son règlement d’urbanisme. La zone concernée est délimitée dans le quadrilatère compris entre le boulevard l’Acadie, l’autoroute 40, l’autoroute 15 et la rue Sauvé ouest. Cela représente près de 70 hectares.
«Ce règlement signifie que nous pouvons installer nos activités de plein droit», signale M. Vermette. En ce moment, dix entités, entre entreprises privées, coop et OBNL sont regroupés dans le même édifice. «On voudrait arriver à une trentaine d’ici cinq ans», précise-t-il.
Si un seul fait du maraîchage, certains font de l’élevage de poissons, d’autres d’insectes ou de champignons. Il y a aussi un torréfacteur parmi le groupe et le Marché Ahuntsic-Cartierville a également son siège dans le bâtiment.
Voie d’avenir
Ces entreprises n’exploiteront pas un seul toit et ne se partageront pas un seul espace. Le but est de s’étendre un peu partout au-dessus des immeubles. Actuellement, sur le toit du 1401 Legendre Ouest, des Smart pots sont utilisés. Ce sont des pots de jardinage en géotextile permettant de cultiver tout ce qu’on veut, là où on le désire.
«Ce sera aussi des plantations dans des boites, des cultures verticales sur feutre», énumère M. Vermette. Plus qu’une démarche expérimentale et écologique, les initiateurs veulent exploiter une tendance économique et sociale.
«Durant les 50 dernières années, on a voulu éloigner l’agriculture de la ville, observe-t-il. Les gens veulent de plus en plus savoir d’où vient leur alimentation. Ils ne veulent pas aller la chercher très loin non plus.»
M. Vermette estime par ailleurs qu’il est au bon endroit pour voir se concrétiser ces principes de proximité de la production. «À Montréal, nous sommes pas mal un des chefs de file dans ce domaine, croit-il. Les Européens viennent apprendre chez nous.»
Cependant, la ville se situe dans une région aux hivers longs et rudes, peu propice à une agriculture en plein air 12 mois par ans. «Ce serait quand même étrange, qu’en 2019, nous ne soyons pas capables de capter les rejets thermiques ou réutiliser les eaux de ruissellement, relève-t-il. Il y a plein de solutions innovantes qui peuvent nous aider à faire de la production toute l’année.»
Le potentiel de surface exploitable n’est pas encore connu de manière précise. «Nous avons demandé à la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) de nous fournir une estimation», assure-t-il.
En attendant, il entreprend des démarches pour convaincre les propriétaires ou exploitants d’immeubles des environs pour s’associer à cette démarche et contemple ces toits, qui comme des champs, s’étalent à perte de vue.